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ministre à Florence ? Si, comme on le dit, le général Fleury doit aller prochainement en Italie remplacer M. de Malaret, est-il chargé de mettre la main à des négociations secrètes qui toucheraient à des intérêts européens ou de préparer le rappel de notre corps d’occupation de Rome ? Les négociations secrètes, s’il y en a, n’ont pas besoin de la présence du général Fleury en Italie, et le retour de nos troupes, campées encore à Civita-Vecchia, est probablement assez arrêté désormais dans la pensée du gouvernement français pour qu’il ne reste plus rien à faire. Il ne serait point impossible que le grand-écuyer de l’empereur, qui a été longtemps un personnage essentiel, allât à Florence tout simplement parce que sa position est devenue difficile aux Tuileries, surtout après la lutte que son beau-père, M. Calley Saint-Paul, vient de soutenir contre l’administration pour se faire nommer député dans la Haute-Vienne. C’est le général Fleury lui-même, dit-on, qui, par des raisons toutes personnelles, aurait demandé à être envoyé à Florence, et l’empereur aurait trouvé cet éloignement naturel lorsqu’on aurait trouvé une situation nouvelle pour M. de Malaret. C’est là peut-être l’unique secret, la grande portée politique de cette nomination devenue vraisemblable, et Florence est un assez brillant exil pour ceux qui ne peuvent plus rester à Paris.

Comment se font ou se défont les monarchies constitutionnelles, problème étrange de l’histoire contemporaine et surtout de l’histoire de ces contrées du midi où les révolutions sont à la fois plus fréquentes et moins profondes que dans tous les autres pays de l’Europe. En Espagne, il s’agit de savoir de quelle façon cette monarchie se relèvera et avec quel roi nouveau ou quelle dynastie nouvelle elle renaîtra ; en Portugal, il ne s’agit plus que de savoir comment elle se maintiendra au degré d’affermissement et de sécurité où elle est arrivée. Elle a triomphé en effet, cette monarchie constitutionnelle portugaise fondée, il y a bientôt quarante ans, par dom Pedro et léguée en héritage à sa fille dona Maria ; elle a aujourd’hui la vie facile. Elle a sans doute encore ses petites crises, ses apparences de coups d’état, comme on l’a vu récemment à propos d’une loi électorale dictatorialement décrétée, ses ombres d’insurrections militaires : en somme, elle n’est pas menacée, et elle ne menace sérieusement aucune des libertés publiques, elle se concilie avec tous les droits du pays ; mais avant d’en venir là, elle a passé par des bourrasques où elle a failli plus d’une fois disparaître. Elle a traversé durant près de vingt années toutes ces épreuves, révolutions de la rue, insurrections militaires, dont un ancien ministre de Belgique à Lisbonne, M. le comte Goblet d’Alviella, vient de raconter l’instructive histoire dans un livre sur l’Établissement des Cobourg en Portugal et les débuts d’une monarchie constitutionnelle.

Ce prince même de Cobourg, mari de dona Maria, qui a été plus tard populaire et qui l’est encore, à qui l’Espagne offrait récemment une couronne, ce prince dom Fernando peut se vanter d’avoir eu des déboires.