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faussaires pour la plupart, forment l’aristocratie du genre voleur. Ils vivent bien, jettent l’argent par les fenêtres, recherchent les filles à la mode, sont habitués de l’Opéra et mangent dans les restaurans célèbres ; mais lorsque percés à jour, démasqués, évitant la prison par miracle, ils se voient sans crédit, sans ressources, que deviennent-ils ? S’ils n’ont point une maîtresse qui les aide à vivre, ils se font vendeurs de contre-marques, marchands de vieux habits, de chaînes de sûreté, ou photographes, Dans ce dernier cas, les images qu’ils reproduisent sont d’un ordre tel que la police se mêle activement de leurs affaires. Us-apprennent alors à leurs dépens ce qu’il en coûte d’outrager la morale publique, sous prétexte de photographies destinées au Brésil et au Pérou.

Les drogueurs de la haute ou francs-bourgeois sont les mendions qui savent s’introduire dans les maisons et prennent la profession des personnes qu’ils sollicitent. Ils acceptent humblement la moindre aumône, et, si l’on n’y prend garde, décrochent volontiers la montre qui est pendue à la cheminée. Le comédien ruiné par l’incendie du théâtre, l’ecclésiastique humble et quémandeur qui a fait vœu de se rendre à pied jusqu’à Rome, l’homme de lettres fatalement entraîné dans la faillite de son éditeur, le négociant qui a eu des malheurs, l’ancien instituteur que des infortunes de famille et sa vertu ont réduit à la misère, sont des drogueurs de la haute ; ils ne marchent que munis de certificats en règle et de recommandations dont les signatures n’ont pas toujours une pureté irréprochable. Les chineurs viennent à domicile offrir des étoffes que des circonstances exceptionnelles permettent de céder à très bas prix. Les femmes, tentées par le bon marché, se laissent prendre volontiers À ce genre d’escroquerie ; mais elles ne tardent point à s’apercevoir que les mouchoirs ou les fichus achetés ainsi ne sont plus qu’une loque informe après la première lessive. Les marchands de vin, les traiteurs, sont exposés à un genre de vol qui se renouvelle tous les jours. Un individu s’attable, dîne bien et déclare après le dessert qu’il n’a pas d’argent. Le plus souvent, pour éviter le scandale, on se contente de le mettre à la porte avec une bourrade. — Le vol au poivrier est très fréquent ; il est généralement le début de ceux qui se destinent à la culture du bien d’autrui. Un poivrier, c’est un homme ivre. Le pauvre diable, trébuchant sous le poids de l’ivresse, s’en va le long des boulevards extérieurs, se tenant aux maisons, oscillant et cherchant un point d’appui. Il avise un banc, s’y assied, s’y raffermit, s’y endort, un filou passe, et sous prétexte de porter secours à l’ivrogne, de le placer plus commodément, loin des voitures qui pourraient l’atteindre, le dévalise, et s’en va. — L’homme adroit, habile de ses mains, assez preste pour