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préjudice considérable au commerce de Paris. La plupart des voleuses à la détourne sont en relation avec les marchandes à la toilette, et c’est ainsi que ces dernières peuvent souvent donner à bas prix des étoffes neuves qu’elles ont obtenues, disent-elles, en échange de sommes prêtées qu’on n’a pu leur rendre. Le vol à l’étalage se fait en plein jour, sous les yeux de la foule, avec tant d’habileté qu’on en reste confondu. Parfois un individu écréme en une journée tout le quartier qu’il parcourt. Le 24 octobre 1861, on arrêta un jeune homme de vingt-trois ans que je ne puis nommer, car il a fait son temps de prison, purgé la surveillance à laquelle il avait été judiciairement soumis, et il dirige aujourd’hui à Paris un établissement de quelque valeur. On trouva sur lui un porte-cigares, une montre, une canne, une bague, un portefeuille, des bottines ; tous ces objets étaient neufs. Il avoua qu’il avait volé les bottines rue Neuve-des-Petits-Champs, le portefeuille galerie Montpensier, la bague boulevard des Italiens, la canne faubourg Montmartre, la montre passage du Saumon, et le porte-cigares passage des Panoramas. Parfois le vol à l’étalage se fait en partie double. Un voleur enlève un objet quelconque et se sauve ; dès qu’il est hors de vue, son complice, qui est resté près de la boutique, dit au marchand : On vient de vous voler, l’homme est là-bas. — D’un coup d’œil, le boutiquier reconnaît que l’objet désigné lui manque, et se jette, en criant au voleur, à la chasse d’un passant sur lequel on détourne son attention. Chacun le suit, le magasin reste vide ; le dénonciateur y entre alors et emporte sans être inquiété tout ce qu’il trouve à sa convenance.

Les marchands en boutique sont encore victimes de bien d’autres inventions, car ils sont le point de mire de la plupart des malfaiteurs parisiens. Le vol à la rade ou au radin se fait le soir, vers onze heures, à l’instant qui précède la fermeture des volets. Au moment où les garçons, occupés à ranger les marchandises, ont le dos tourné, où le patron, debout dans un coin, vérifie son livre de caisse, un gamin se glisse sous le comptoir sans être aperçu, détache la rade, c’est-à-dire le tiroir qui contient la recette de la journée, profite d’une minute opportune pour s’échapper et remettre son butin à un complice qui l’attend en regardant la devanture. Les pertes que fait éprouver ce genre de vol ne sont jamais bien considérables ; mais le vol à la vrille a souvent des résultats désastreux, car lorsqu’il est bien mené, il permet de dévaliser complètement un magasin. Sous prétexte d’achats, un voleur entre pendant le jour dans la boutique, il en examine avec soin la topographie, il regarde où est située la caisse, où sont les marchandises riches, s’il n’y a pas de sonnette correspondant de la porte d’entrée aux appartemens