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la fièvre a diminué, je n’en ai pas appelé. » Comme la fièvre diminuait après dix jours ! le mot est unique. L’infante Catalina tomba malade à son tour ; elle eut une maladie bien peu séante pour une future reine, la gale. Elle ne fut traitée que d’une façon empirique et par des femmes, si bien que sa santé en reçut une grave atteinte. Force fut bien cette fois d’appeler un médecin. On manda Soto, ancien médecin de la reine du vivant de Philippe et déjà un peu au courant de ce qui se passait. On le choisit de préférence à quelqu’un qui n’eût encore rien su. Malgré une stricte surveillance, la reine parvient à échanger quelques mots avec Soto, et le marquis insiste pour que Charles-Quint le couvre d’honneurs et d’argent afin d’acheter son silence (6 juin 1519). La petite infante, qui avait six ou sept ans de moins que Charles et qui partageait, sans doute pour des raisons d’économie, la captivité, de sa mère, écrivait de temps en temps des lettres à son frère, et ces lettres d’enfant ne respirent que le contentement et la joie. « On admire, dit à ce propos M. Bergenroth, la souplesse de la nature humaine, qui se plie à tout, et se fait même à une vie aussi misérable ; » mais on découvre bientôt que ces billets naïfs lui ont été dictés par le marquis et sa femme. En 1521, la jeune princesse a en effet occasion de faire parvenir à son frère, à l’insu de Dénia, un long mémoire écrit de sa main. Ce mémoire est d’un tout autre ton que les lettres. Elle y énumère ses griefs en se plaignant amèrement de tout ce que sa mère et elle ont à supporter de l’avarice et du mépris de leurs geôliers. On la visite quand elle sort et quand elle rentre. Le marquis la traite avec dureté et hauteur, les filles de Dénia mettent ses robes, lui enlèvent ses bijoux. Un jour qu’elle a reçu une lettre de la comtesse de Modica, femme de l’amiral de Castille, qui compatissait au sort de Jeanne, on lui « arrache presque les yeux. » On ne lui permet pas de visiter sa mère ; celle-ci est ramenée dans sa chambre noire dès qu’elle vient voir sa fille. Une lettre écrite d’une autre main est jointe à ce mémoire ; elle se termine par un post-scriptum de la propre main de doña Catalina. « Je prie votre majesté, y dit-elle, de pardonner que cette lettre soit écrite d’une main étrangère, mais je n’en puis plus ! »

S’il y avait disette de médecins au château, les moines n’y manquaient point : parmi eux, ce fut frère Juan de Avila et frère Antonio de Villegas qui se distinguèrent surtout par leur zèle. On tenait beaucoup à la conversion de la reine, qui, sans être hérétique, était fort tiède en matière religieuse, et pratiquait peu. « En ce qui concerne la messe, écrit le marquis de Dénia, trois mois après la visite de Charles, nous nous en occupons sans cesse. Son altesse désire qu’elle soit lue dans le corridor où votre majesté l’a