Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non pour l’autre ? Comment se refuser à croira que le cervelet ne joue pas le même pôle chez les deux êtres dans la direction des mouvemens ? C’est donc derrière une objection vaine que se retrancherait l’école spiritualiste.

Si la physiologie s’en tenait à ces résultats, il n’y aurait qu’à l’en féliciter. Que cela contrarie ou non telle doctrine métaphysique sur les rapports de l’âme fit du corps, il n’y a pas lieu de contester l’expérience. Beaucoup de physiologistes, comme Flourens, Longet, Durand (de Gros), qui ont suivi cette voie, ne vont pas au-delà, les uns par une réserve toute scientifique, les autres par attachement à une doctrine spiritualisme. Une école cependant pousse la nouvelle science physiologique des rapports du physique et du moral jusqu’à des conclusions qui contredisent certaines vérités de gens intime que l’analyse psychologique semblait avoir mises hors de débat. Ces conclusions se résument dans les deux points suivans : supprimer par des explications physiologiques telles vérités de l’ordre moral, comme le libre arbitre, ou bien les dénaturer par des ian.aly.ses et des descriptions où nos physiologistes substituent le langage de leur science à celui de la psychologie.

Insistons d’abord sur ce dernier point. L’emploi de la langue physiologique dans les matières qui ne la comportent pas est comme une habitude à laquelle obéissent, parfois à leur insu, tous les physiologistes, même les plus réservés sur les questions psychologiques et métaphysiques, même les plus franchement spiritualistes. Flourens, qui incline vers la psychologie de Descartes et se plate à réfuter les paradoxes de Moreau, de Tours, se laisse aller à dire que les lobes cérébraux veulent la contraction musculaire sans l’exciter, sauf à rectifier son langage quelques lignes plus bas. M. Littré, dans une intention plus systématique peut-être, affecte de dire la cellule cérébrale pensante, au lieu de se borner à dire la cellule qui est l’organe de la pensée. M. Claude Bernard parle du déterminisme absolu qui régit tous les phénomènes, sans excepter ceux de relation. M. Lhuys, à propos de l’association des idées, parle de la notion du rapport qui les relie, et les anastomose ainsi l’une à l’autre, M. Vulpian applique aux mouvemens volontaires le mot de mouvemens réflexes. Tous ou presque tous les physiologistes attribuent à l’organe de l’être vivant ce que la langue psychologique rapporte à l’animal lui-même, à l’individu, au moi, à la personne, quel qu’en soit le principe, et tranchent ainsi déjà, sans le vouloir, la grave question qui divise les écoles spiritualiste et matérialiste. Tout cela n’est encore qu’une question de mots. Un terme impropre ne fait pas une doctrine. C’est dans les développemens et les explications qu’il faut chercher la vraie pensée des physiologistes de l’école