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dont nous parlons. La phrénologie de Gall et de Spurzheim n’avait porté atteinte ni à la méthode psychologique ni à la doctrine spiritualiste ; Gall était un esprit trop observateur pour s’en tenir à la doctrine de Cabanis et de l’école de la sensation, qui ne reconnaissait aucune espèce d’innéité ni de facultés ni de penchans. Sa psychologie n’était pas moins riche en facultés que sa phrénologie en organes locaux. Il parlait d’ailleurs de l’âme, de la volonté, de la conscience, de l’analyse psychologique, comme les plus décidés spiritualistes de son temps. Oui trouver un meilleur langage que celui-ci sur le libre arbitre : « c’est pour avoir confondu les désirs, les velléités, les penchans, avec la véritable volonté qu’on a cru trouver des difficultés insolubles relativement à la liberté morale ; on avait raison de nier la liberté relativement à l’existence et au mouvement des désirs, et par une fausse conséquence on a cru que la volonté et les actions manquaient également à la liberté. » Entre les mains de Broussais, polémiste violent et vigoureux qui n’était pas précisément doué de ce que Pascal appelle l’esprit de finesse, la doctrine de Gall dégénéra en un matérialisme tranchant. Broussais ne peut contenir son impatience à propos de la méthode psychologique ; « Je n’ai qu’un regret, c’est que les médecins qui cultivent la physiologie ne réclament qu’à demi la science des facultés intellectuelles, et que des hommes qui n’ont fait qu’une étude spéciale des fonctions veulent s’approprier cette science sous le nom de psychologie[1]. » L’âme est un cerveau agissant rien de plus. « Dès que je sus par la chirurgie que du pus accumulé à la surface du cerveau détruit nos facultés, et que l’évacuation de ce pus leur permet de reparaître, je ne fus plus maître de les concevoir autrement que comme les actes d’un cerveau vivant[2]. »

La nouvelle école physiologique n’a point de ces allures ; elle laisse aux métaphysiciens la question de l’âme, et ne s’occupe que des fonctions de relation et des organes qui en sont le siège. Peu soucieuse d’ailleurs de l’observation psychologique directe et intime, n’ayant guère pour toute science du moral que les seules notions que la psychologie animale peut donner, elle s’en tient aux grands traite, pour ne pas dire aux gros traits de la nature humaine, c’est-à-dire à ceux qui lui sont communs avec l’animalité. Pour M. Vulpian, il n’y a entre l’homme et les animaux supérieurs que des différences de degré. Il accorde à ces derniers la perception, le jugement, le raisonnement, la volonté et jusqu’à la faculté de faire des abstractions sensibles ; il ne leur refuse que la faculté

  1. De l’Irritation et de la Folie, t. II, p. 10.
  2. Expression de ma foi.