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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/916

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le vide, un objet qui l’explique et le justifie ? S’il en a un, tout est sauvé, ou du moins, sans s’asservir à aucune tradition, sans sacrifier aucune de ses convictions scientifiques, le penseur peut rattacher à cette affirmation primordiale tout ce que les religions antérieures à lui ont enseigné de plus élevé, de meilleur, et se rattacher lui-même à leur mouvement actuel le plus libéral et le plus savant. S’il n’en avait point, il faudrait sans doute essayer d’expliquer autrement le sentiment religieux, car il est, il s’affirme, et nier l’existence des choses, ce n’est pas les expliquer ; mais il faudrait le ranger parmi les élémens d’erreur qui ont si longtemps égaré l’espèce humaine, qui l’égareront peut-être en grande majorité longtemps encore. Quelque désolant que pût être ce dernier mot de la science appliquée aux religions, il faudrait apprendre à s’y résigner comme à tant d’autres vérités aussi tristes qu’inexpugnables. Pour résoudre cette question des questions, la critique seule ne suffit pas, la philosophie seule pas davantage. Il est nécessaire qu’elles se combinent. Voilà pourquoi aux ouvrages d’érudition pure ou de critique de détail commencent à succéder en Allemagne et en France des œuvres de synthèse qui cherchent à conclure en s’appuyant sur les résultats acquis. La période du dilettantisme religieux touche à son déclin. On exige déjà des étudians de la science religieuse qu’ils en finissent avec la théorie, et qu’ils passent à l’école d’application. C’est ici que nous retrouvons nos deux auteurs.


II

M. Vacherot est un des esprits les plus éminens, les plus vigoureux de cette génération. Avec quelle énergie il a tenu déployé le drapeau de la métaphysique dans un moment où tant d’intelligences distinguées s’emprisonnaient dans le positivisme, ou baissaient pavillon devant les autorités traditionnelles ! Tous ceux qui aiment les études élevées ont lu son grand ouvrage intitulé la Métaphysique et la Science, où l’auteur lui-même se dédouble en un savant et en un métaphysicien qui plaident chacun pour sa chapelle, mais de telle sorte que bientôt le savant, qui n’est que savant, doit se rendre à discrétion au métaphysicien, lequel n’use de sa victoire que tout juste ce qu’il faut pour faire reconnaître son bon droit quelque temps méconnu. Nous n’apprendrons rien non plus à personne en rappelant les titres que M. Vacherot possède à l’estime de tout homme d’honneur et de cœur. Il a souffert pour l’indépendance de la pensée, abandonné par ceux-là mêmes qui auraient dû le soutenir. N’avait-il pas eu l’audace d’affirmer dans une