et la promesse d’une réforme que la Serbie contemporaine verra s’accomplir ; on ne prononce pas impunément une telle parole. C’était ouvrir ou du moins faire entrevoir l’ère du régime constitutionnel ; c’était condamner en principe le despotisme. En même temps le souverain indiquait quelle serait l’indépendance de son attitude à l’égard de la Turquie. C’était comme prince héréditaire qu’il prenait le pouvoir sous le nom de Michel Obrenovitch III. Or quelques mois auparavant la Porte avait refusé de renouveler en faveur des Obrenovitch le bérat impérial de 1830, qui reconnaissait le droit héréditaire de cette famille. Le firman d’investiture n’en fut pas moins accordé sans difficulté. On a appris à Constantinople l’art, si nécessaire en politique, de ne point paraître entendre les choses désagréables. Le divan affecta seulement de considérer l’avènement du prince non comme l’effet de l’hérédité, mais comme le résultat d’une élection à laquelle les Serbes auraient procédé avant la mort de Milosch.
Les hommes auxquels le prince confia la direction des affaires n’étaient pas gens à s’inquiéter de ces subtilités diplomatiques. Des nouveaux ministres, les plus importans étaient M. Élie Garachanine, ministre des affaires étrangères et chef du cabinet, et M. Marinovitch, président du sénat. La vie politique de M. Garachanine sert en quelque sorte de transition et de lien entre la Serbie du vieux Milosch et celle de Michel et de Milan. Enfant, comme Milosch, de la Schoumadia, ce verdoyant berceau de l’indépendance serbe, il naquit vers 1807 dans le village de Garach, d’où lui vint le nom sous lequel on s’est habitué à le désigner. Son père, Miloutine, faisait partie de ce conseil qui se forma autour de Kara-George par la réunion des principaux chefs, et qui fut comme la première ébauche du sénat actuel. Au moment où le fils de Miloutine atteignait l’adolescence, l’avenir était encore bien incertain ; le jeune homme fut placé, pour se former au commerce, chez des négocians de Semlin. Là il apprit le grec, que seuls quelques vieillards parlent encore à Belgrade. Au commencement du siècle, avant la renaissance littéraire des langues magyare, roumaine et serbe, comme le latin était la langue politique de la Hongrie, le grec, sur tout le Bas-Danube, était la langue du commerce. L’affermissement du pouvoir de Milosch rappela en Serbie le jeune Garachanine. C’était dans une petite ville des Confins, derrière le comptoir d’un marchand, qu’il avait appris tout ce qu’il savait de l’Europe, l’allemand, qui lui servit plus tard pour s’instruire par la lecture, le grec, qui lui fut utile pour traiter avec la Roumanie et avec Constantinople ; il n’a jamais su le français, ou du moins ne l’a jamais parlé. Malgré ce que cette éducation avait d’incomplet, M.