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négociation déjà entamée par Milosch, et qui préoccupait la nation tout entière. Il s’agissait du séjour des musulmans dans les forteresses serbes. Le firman de 1830 avait posé en principe que « défense était faite aux musulmans qui n’appartenaient pas aux garnisons des forteresses d’habiter en Serbie ; » mais des délais successifs avaient été accordés aux Turcs qui possédaient des biens hors des forteresses, et, à Belgrade comme dans les autres villes de garnison, on avait laissé se maintenir un quartier turc en dehors de la citadelle. A Belgrade même, on avait eu la faiblesse de permettre aux Turcs d’établir deux corps de garde dans la ville et d’y avoir leur police avec une justice mixte, ce qui amenait de perpétuels conflits. Plus la Serbie s’enrichissait et prenait confiance en elle-même, et plus elle supportait impatiemment cet état de choses en attendant qu’elle exigeât la révision des traités, elle n’était pas disposée à les laisser encore violer à son détriment. C’était surtout pour avoir méconnu cette volonté du pays que le prince Alexandre était tombé ; les Obrenovitch, en rentrant à Belgrade, avaient compris que, s’ils voulaient compter sur l’avenir, il leur fallait à tout prix ne pas tromper ce désir du peuple serbe. En gens sensés, ils commencèrent par négocier. Réputée partie intégrante de l’empire ottoman, la Serbie ne peut avoir de représentant officiel qu’à Stamboul. M. Marinovitch n’en partit pas moins, dès la fin de 1860, pour aller solliciter le concours bienveillant des cabinets de Vienne, Berlin, Pétersbourg, Paris et Londres. Ce n’était pas seulement la question des forteresses qu’il était chargé d’exposer, il avait aussi à faire comprendre la nécessité où se trouverait le prince Michel de modifier dans le sens d’une plus énergique concentration du pouvoir le règlement organique octroyé par la Porte en 1839. On put bientôt juger des heureux résultats de cette mission. Au printemps de 1861, M. Garachanine alla nettement demander à Constantinople que les traités relatifs au droit de garnison fussent enfin exécutés, et ses démarches furent chaudement appuyées par les ambassades de France et de Russie, ainsi que par les ministres d’Italie et de Prusse. Au mois d’août, la skoupchtina votait avec enthousiasme toute une série de mesures par lesquelles se trouvait tacitement abrogée la charte de 1839, Le sénat fut reconstitué de manière à ne plus être un foyer d’intrigues, la milice nationale fut créée, l’hérédité du trône dans la famille Obrenovitch fut de nouveau proclamée. La Turquie voulut entraîner les grandes puissances à condamner ces changemens ; mais l’Angleterre et l’Autriche étaient seules disposées à s’engager dans cette voie, et le divan dut se borner à une protestation stérile.

Nous avons tenu à montrer quelle avait été dès le début la