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nation ; c’était le colonel Milivoïe Blasnavatz, ministre de la guerre. Après le départ de M. Mondain, il avait poursuivi avec une intelligente activité l’organisation des forces militaires de la Serbie : l’armée lui était très dévouée. Esprit net, M. Blasnavatz eut le mérite de sentir qu’il fallait sans retard faire cesser l’interrègne ; caractère résolu, il sut rallier à son opinion tous ceux qui l’entouraient.

De son mariage avec Julie Huniady, le seul qu’il eût contracté, le prince Michel ne laissait pas d’enfans. Le nom d’Obrenovitch n’était plus porté que par un adolescent de quatorze ans, Milan, petit-fils d’Ephrem, le frère du vieux Milosch. L’enfant avait de bonne heure perdu son père, un autre Milosch ; quand il avait eu neuf ans, le prince Michel l’avait demandé à sa mère, qui appartient à la famille moldave des Katardji, pour l’envoyer à Paris ; il l’y avait placé dans une de ces familles où l’on reçoit autant de bons exemples que de bons conseils. Le jeune homme suivait avec régularité et non sans succès les cours du lycée Louis-le-Grand ; il était alors en quatrième. Le soin qu’avait pris le prince Michel d’assurer à son cousin le bénéfice d’une sérieuse éducation française indique bien qu’il avait prévu le cas où cet enfant hériterait de la dignité princière ; mais il n’avait que quarante-cinq ans lorsqu’il mourut, il n’avait pas renoncé à tout espoir de postérité ; sa santé était excellente, et rien n’avait pu lui faire craindre une fin prochaine. Il n’avait donc jamais encore fait part ni à la diète, ni au sénat ou même à ses ministres de ses intentions au sujet de la transmission du pouvoir ; après qu’il eut succombé, on ne trouva point d’écrit quelconque indiquant la volonté du prince. Légalement le droit du jeune Milan ne semblait pas contestable. Le 20 octobre 1859 avait été promulguée une loi dont le premier article était ainsi conçu : «… D’après les anciennes ordonnances nationales antérieures à l’année 1839 et d’après celle de la skoupchtina de la Saint-André 1858, comme aux termes du bérat impérial et du hatti-schérif de 1830, la dignité princière est héréditaire dans la famille du prince régnant actuel Milosch Obrenovitch Ier, à savoir dans sa descendance mâle d’après l’ordre de primogéniture, et en premier lieu en ligne directe. A défaut seulement de personne apte à la succession dans la ligne directe, l’hérédité de la dignité princière passera à une branche collatérale, mais toujours en conservant l’ordre de primogéniture. »

On aurait pu répondre que cette loi n’avait pas été confirmée par la Turquie ; tout ce qui faisait partie du droit international établi par les traités entre la Porte et la Serbie et garanti par les puissances européennes, c’était l’hérédité assurée aux Obrenovitch dans la ligne directe ; encore le cabinet ottoman, après la restauration