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lettre : « Le pays est mûr pour un changement ; le moment de l’action est venu. » Mazzini a pu avoir de l’influence dans d’autres temps, lorsqu’on ne pouvait être Italien que dans les conjurations secrètes ; son ascendant est singulièrement atténué aujourd’hui par cette liberté même dont jouit l’Italie, et ce n’est pas là sûrement ce qui menace le plus le ministère actuel. Le gouvernement n’a pas eu un grand effort à faire pour avoir raison de cette effervescence de quelques soirées ; mais il se trouve d’un autre côté en face d’une situation parlementaire dont il ne peut se dissimuler la gravité, s’il ne parvient pas à l’apaiser dans ces quelques mois de trêve qu’il a devant lui. Tout est là, et la question est de savoir si cette crise, qui apparaît à travers des incidens éphémères, se dénouera par la reconstitution d’une majorité compacte ou par une dissolution nouvelle de la chambre. L’essentiel pour l’Italie est qu’il y ait un ministère doué d’une force morale suffisante, non-seulement pour faire face aux complications extérieures qui peuvent survenir, mais encore pour conduire jusqu’au bout l’œuvre de réforme administrative et financière qui est le premier, le plus pressant de tous les problèmes pour le pays. ch. de mazade.




REVUE MUSICALE.

On sait quelles préoccupations agitaient, tourmentaient Meyerbeer à l’endroit de l’interprétation de ses ouvrages. Il commençait à composer selon un certain idéal qu’il se formait d’après le chanteur ou la cantatrice en renom au moment où sa première inspiration lui venait ; puis, sa pensée s’écartant insensiblement du modèle d’abord choisi, son libre essor l’entraînant au-delà, il se trouvait presque toujours, quand l’œuvre était terminée, que les virtuoses en vue desquels le maître avait écrit ou cru écrire ne suffisaient plus au type, et qu’il fallait se mettre en campagne pour aller en chercher de nouveaux. Ajoutons que, durant ces éternels retards qu’il s’imposait à lui-même, les voix avaient le temps de passer fleur, les chanteurs de vieillir. Meyerbeer savait cela, se le disait, et n’en continuait pas moins à différer. Avec l’imperturbable confiance du génie, qui, se sentant immortel, oublie les conditions ordinaires de l’existence, il eût volontiers attendu cent ans pour assister à l’épanouissement séculaire de quelqu’un de ces cactus phénoménaux qu’on nomme des ténors ; il attendait un autre Nourrit, une autre Falcon. Insoucieux du cours des âges et des choses, à soixante-douze ans il eût entrepris le dressage d’un ténor comme cet homme qui achetait des perroquets pour voir par lui-même s’il était vrai que ces oiseaux-là vivent cent ans. Que de fois n’a-t-on pas raillé cette manie du grand maître ! Henri Heine, sur ce chapitre, ne tarissait point ; Hoffmann