Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vers la même époque, une importante découverte, venait ouvrir un nouveau terrain aux conjectures de la chimie. Un jeune savant à peine sorti de l’École polytechnique, Gay-Lussac, appela l’attention sur les rapports volumétriques dans lesquels les gaz se combinent. On n’était pas fixé sur les volumes respectifs d’hydrogène et d’oxygène qui forment l’eau ; on avait admis successivement des nombres approximatifs qui n’avaient rien de saisissant pour l’esprit. En 1805, Gay-Lussac démontra, en collaboration avec Alexandre de Humboldt, que deux volumes d’hydrogène entrent rigoureusement en combinaison avec un volume d’oxygène pour former deux volumes de vapeur d’eau. Il ne s’agissait point là d’à-peu-près, de nombres approchés, il s’agissait d’un rapport strictement exact qui devait faire soupçonner qu’on se trouvait en face d’une loi de la nature. Gay-Lussac s’appliqua dès lors à généraliser sa découverte, et en 1809 il avait mis en lumière un certain nombre de faits très caractéristiques. Ainsi deux volumes d’azote sont combinés à un volume d’oxygène pour former deux volumes de protoxyde d’azote. Un volume de chlore s’unit à un volume d’hydrogène pour former deux volumes d’acide chlorhydrique. Trois volumes d’hydrogène s’unissent à un volume d’azote pour former deux volumes d’ammoniaque. Pour tous les gaz simples, on trouve ainsi des rapports volumétriques absolument simples.

Cette loi a par elle-même une importance capitale ; mais elle devient particulièrement remarquable si on la rapproche de celle de Dalton. Ces deux lois étaient à peine formulées qu’on en tira, en les combinant, des vues admirablement ingénieuses sur la constitution moléculaire. Elles sont en effet comme deux rayons lumineux qui pénètrent dans le secret de la nature par deux côtés différens, et le terrain qu’elles embrassent entre elles se trouve ainsi éclairé du jour le plus vif. Dalton s’occupait seulement des poids, Gay-Lussac des volumes, et tous deux trouvaient une absolue simplicité dans les rapports des combinaisons. N’était-il pas probable dès lors qu’ils se trouvaient en face d’un seul et même grand fait naturel considéré sous deux aspects distincts ? Un chimiste italien, Amedeo Avogadro, ne tarda point à formuler la conception générale qui embrasse à la fois la loi de Dalton et celle de Gay-Lussac. Ses vues sont exposées dans un mémoire qu’il publia en 1811. L’idée synthétique d’Avogadro consiste à regarder tous les gaz simples comme renfermant le même nombre d’atomes sous le même volume ; dans les composés, les atomes s’unissent quelquefois deux à deux, et dans ce cas la combinaison a lieu par volumes égaux ; quelquefois ce sont deux ou trois atomes de l’un des composans qui se portent sur un seul atome de l’autre, et cette circonstance détermine le rapport