Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/625

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vite à l’empereur. Ainsi faisaient ses trois collègues du sacré-collège, les cardinaux Spina, Dugnami et de Bayanne, et l’archevêque d’Édesse, le faible M. Bertalozzi, à qui l’évêque de Nantes prête à tort des velléités de résistance dont il fut toujours incapable. Ainsi faisaient du meilleur de leur cœur l’archevêque de Tours, les évêques de Trêves et d’Évreux, ces zélés serviteurs de Napoléon, et probablement aussi, pour que personne ne manquât au concert, le docteur Porta, à qui Napoléon continuait à payer pension, afin de reconnaître les soins attentifs qu’il donnait à la santé du saint-père[1]. Pour le scrupuleux et timoré Pie VII, quel supplice de toutes les minutes que cette entente établie entre les personnes de son entourage, uniquement appliquées à le blâmer de son intempestive opposition aux volontés de l’empereur, ardentes à lui représenter sous les couleurs les plus noires les maux affreux de l’église, et n’hésitant pas à en rejeter sur lui l’entière responsabilité ! Déjà pareil assaut avait été livré au saint-père à Savone, et ses forces physiques y avaient succombé. Les mêmes causes ne devaient pas tarder à produire les mêmes résultats. « Je n’ai pas encore écrit à votre excellence, lisons-nous dans une lettre adressée de Fontainebleau par M. Duvoisin à M. Bigot, parce que je n’avais rien à lui mander. Le pape est extrêmement agité. Il ne dort pas. Sa santé est altérée. En ce moment, je ne le crois pas en état de soutenir une discussion. Il n’a que très peu de confiance dans les personnes qui l’entourent. Il persiste à dire qu’il a le plus grand désir de satisfaire l’empereur, mais que sa conscience ne lui permet pas de se prononcer seul, prisonnier et sans conseil. Cependant il me faut une réponse. J’épie le moment où je pourrai la lui demander sans lui causer trop d’émotion. »

La lettre que nous venons de rapporter, et qui rend un si sincère et si triste compte de l’état du saint-père, était datée de Fontainebleau le 13 janvier 1813. Remise le 14 à M. Bigot de Préameneu, elle était probablement le 16 ou le 17 entre les mains de l’empereur. Le 18, une chasse à courre était commandée dans des bois qui n’étaient pas éloignés de Melun. Tout à coup, vers le milieu de la journée, laissant là chiens et piqueurs, Napoléon se fit amener une chaise de poste, et, comme si l’idée lui en avait été soudainement inspirée par le seul voisinage, il donna ordre de le conduire à Fontainebleau, où d’avance l’impératrice avait été invitée à se rendre de son côté.

Est-ce beaucoup s’aventurer que de supposer Napoléon moins pressé en cette circonstance de savoir des nouvelles du pape que

  1. Lettre déjà citée de l’empereur au ministre des cultes.