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UNE
ANNEXION D’AUTREFOIS

II.
L’ORDRE TEUTONIQUE ET LE ROYAUME DE JAGELLO.


I.

Vers le milieu du XIVe siècle, du temps d’Olgerd et de Keystut[1], vivait à Rome dans la retraite et dans toutes les rigueurs de la pénitence une fille royale de Suède qui fut depuis sainte Brigitte. Pâle fleur du nord tout imprégnée d’une charité mystique, — rosa rorans bonitatem, comme s’exprime son pieux biographe, — la princesse de Néricie avait des visions : le Christ lui-même lui apparaissait, lui parlait, dévoilant devant ses regards l’avenir des royaumes, et ces Révélations dévotement recueillies, sanctionnées même plus tard par le concile de Bâle, passaient aux yeux des contemporains pour des prophéties vénérables. La reine Hedvige les fit traduire en polonais. Un passage curieux de l’apocalypse féminine annonçait aussi, — bien des générations avant la grande journée de Grunwald, — le prochain « jugement de Dieu » contre l’ordre teutonique, le châtiment mérité des chevaliers de Marienbourg, que la visionnaire Scandinave avait contemplés à l’œuvre de bonne heure et de bien près, des bords mêmes de la Baltique. « En vérité, y disait le Seigneur, ils devaient être des abeilles d’utilité, ces

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.