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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/833

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fums, les poudres, les eaux de toute sorte; on passe la matinée à s’en couvrir, à s’en frotter des pieds à la tête, et pendant ce temps la messe est dite.

Quand Aeliz fut levée,
Et quand elle fut lavée,
Jà la messe fu chantée...

Les femmes d’ailleurs ne sont pas seules sur la sellette, les hommes ont leur tour. Si les femmes ont leurs édifices de cornes et de coques sur la tête, leurs ceintures toutes chargées d’or, d’argent, de pierres précieuses, leurs robes toutes dentelées, toutes découpées ad circumferentium, et dont la queue longue de plus d’une coudée balaie la poussière dans les églises et trouble les hommes dans leurs prières; si elles portent des souliers découverts, des estivaux brodés de ferrures et de dorures, ou des souliers à la poulaine dont le bec pointu rappelle l’ergot du diable, — les hommes, eux aussi, ont leurs moles vesteures, leurs robes en tissu précieux, ces robes magnifiques dont, ajoute le prédicateur, il ne sera jamais autant parlé que du bout de manteau donné par saint Martin au pauvre mendiant; ils ont leurs manteaux de velours, de soie et d’écarlate, leurs pellissons de vair et d’autres fourrures coûteuses, ils ont leur équipement orné de vaines superfluités, leurs selles, leurs éperons chargés d’argent et de dorures. Combien un homme n’est-il point méprisable lorsqu’il s’abandonne à ces recherches qui l’efféminent et le dégradent ! Combien n’est-il pas coupable surtout lorsque cet homme est un clerc ! « Quel prêtre rougit de paraître en public bien peigné, de marcher avec une allure molle, indigne de son sexe, en un mot d’être femme? Regardez ceux qui devraient donner aux autres l’exemple de la modestie, de la gravité, de la mortification : les voyez-vous parés avec un soin minutieux, les cheveux crêpés, la raie bien dessinée, la face rasée de frais, la peau polie à la pierre ponce, la tête découverte, les épaules nues, les bras traînans ou portant des signes gravés, les mains chaussées et les pieds gantés?... Toute la journée ils sont en quête d’un miroir, ils se promènent, l’habit immaculé, l’âme toute souillée; leurs doigts resplendissent de l’éclat des anneaux, leurs yeux de celui du sourire. Ils portent la tonsure si petite qu’elle semble moins la marque d’un homme d’église que celle d’un corps vénal. »

Et les fêtes, et les plaisirs, complémens funestes et obligés de ce luxe damnable! la danse surtout, cet amusement du diable, si favorable aux rendez-vous galans : ce n’étaient guère alors que des rondes où hommes et femmes chantaient et sautaient en se donnant la main; mais n’importe, il paraît que dès lors nos ancêtres avaient