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presque semblable, et qui n’ont entre eux que des différences de détails. Dans les dépôts sont placés, étiquetés, tous les objets saisis chez les criminels ou qui ont servi de pièces à conviction; il y a là une collection curieuse de monseigneurs, de pinces, d’instrumens de toute sorte propres aux effractions; les outils de l’assassinat y sont en grand nombre, couteaux, pistolets et gourdins; les fausses clés y sont en quantité suffisante pour ouvrir les serrures de tout Paris. Tous les cinq ou six mois, les greffiers livrent les objets non réclamés au domaine, qui lestait vendre à son profit. Par suite d’une erreur, on était resté quelques années au greffe de première instance sans faire la remise réglementaire, et l’on trouva plus de 1,500 kilogrammes de fausses clés accumulées dans un coin. Les objets appartenant à des personnes absentes ou contumaces sont gardés pendant dix ans, et j’ai aperçu là, rangés avec soin, dans un casier numéroté, les livres de correspondance saisis, il y a longtemps déjà, chez le directeur d’une agence matrimoniale; toutes ces paperasses ficelées et scellées contiennent bien des romans. Parfois, en se promenant dans ces longues galeries qui occupent les combles du palais, on aperçoit sous la poussière et les toiles d’araignées quelque maisonnette de bois blanc qui ressemble à un joujou; on s’approche, on regarde, et l’on reconnaît le modèle d’une maison où un assassinat célèbre a été commis. Le fac-simile minuscule de la maison de Donon-Gadot est encore au greffe de la cour impériale. La garde de toutes ces impures défroques exige une comptabilité des plus étendues ; quant à la surveillance, elle est confiée à des chats.

Les archives sont d’un aspect triste et terne : des dossiers, des dossiers et encore des dossiers; du panier gris servant d’enveloppe à des papiers blancs couverts d’écriture, et ainsi dans des salles qui se succèdent les unes aux autres, sans caractère spécial, avec une monotonie que rien ne rompt. Au greffe du tribunal de première instance, on pourrait croire que Petit-Jean a déposé le gros sac de procès qu’il traîne en paraissant sur le théâtre; vieilles procédures aux formes mystérieuses et compliquées qui dorment là dans leur vêtement de grosse toile, et que nul doigt de procureur ne feuillettera plus. Quelques-uns de ces sacs, bourrés jusqu’à l’ouverture, sont plus amples que ceux où les paysans enferment le blé; d’autres, fort modestes, ressemblent à des sacs de 500 francs. Près de ces débris d’un autre âge, j’aperçus une lourde liasse isolée sur laquelle je pus lire liste générale des émigrés. Le greffe de la cour impériale est riche en causes criminelles. Il existe là, dans ces vastes greniers, au milieu de ces monceaux de paperasses rangées avec un ordre minutieux, des richesses historiques sans prix,