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s’imposaient réciproquement le silence et l’attention. L’écolier oisif s’ennuyait d’une immobilité muette et se lassait bientôt de son oisiveté. L’écolier inhabile, mais appliqué, se faisait plaindre; mais il n’y avait ni indulgence ni pitié pour le paresseux incurable, et lorsqu’une chambrée était atteinte de ce vice, elle était comme déshonorée; tout le collège la méprisait, et les parens étaient avertis de n’y pas mettre leurs enfans[1]. »

La révolution détruisit toutes ces vieilles institutions, et malheureusement l’Université impériale, qu’on éleva sur leurs débris, chercha beaucoup trop à imiter les jésuites. Elle voulut, comme eux, avoir de grands internats, et, pour être plus sûre de bien les diriger, elle leur imposa une discipline étroite et sévère. Elle disait dans le règlement des études : « Tout ce qui est relatif aux repas, aux récréations, aux promenades, au sommeil, se fera par compagnie. » Ainsi son idéal était le régiment, et le collège, pour être accompli, devait ressembler à la caserne. M. Renan n’a pas de peine à montrer tout ce qui manque au jeune homme élevé d’après ce système. « L’instruction, dit-il, se donne en classe, au lycée, à l’école; l’éducation se reçoit dans la maison paternelle; les maîtres à cet égard, c’est la mère, ce sont les sœurs. Rappelez-vous ce beau récit de Jean Chrysostome sur son entrée à l’école du rhéteur Libanius, à Antioche. Libanius avait coutume, quand un élève nouveau se présentait à son école, de le questionner sur son passé, sur ses parens, sur son pays. Jean, interrogé de la sorte, lui raconta que sa mère Anthuse, devenue veuve à vingt ans, n’avait pas voulu se remarier pour se consacrer tout entière à son éducation. — dieux de la Grèce! s’écria le vieux rhéteur, quelles mères et quelles veuves chez ces chrétiens! » Il faut donc laisser le plus qu’on peut un enfant à sa famille; tout le monde est au fond du même avis. Les professeurs se sont plaints souvent des dangers de l’internat, qui les compromet par la responsabilité de fautes dont ils sont innocens. L’état lui-même ne dissimule pas que ces grandes agglomérations d’élèves l’embarrassent et l’inquiètent. S’il ne prend pas une décision radicale, c’est qu’il est économe de ses deniers, surtout quand il s’agit de l’enseignement. Les lycées d’externes coûtent, et les lycées d’internes rapportent; l’état hésite à se dessaisir

  1. L’institution des chambriers, comme on les appelle, n’a pas entièrement disparu. La statistique de l’enseignement secondaire nous apprend qu’il en restait 358 en 1865. Ce sont en général des jeunes gens de la campagne, fils de petits cultivateurs ou même de simples manœuvres du voisinage, qui renouvellent les provisions (pommes de terre, châtaignes, etc.) tous les mois ou toutes les semaines. La personne chez qui ils sont logés se charge d’apprêter et de faire cuire leurs alimens pour les heures des repas, et chacun d’eux paie pour le service et le logement c’e 8 à 10 francs par mois. « La conduite de ces élèves, ajoute la statistique, est généralement bonne; ils sont laborieux, et quelques-uns sont à la tête de leur classe. »