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mis des principales maisons de banque; ils échangent entre eux le papier à l’ordre de chaque maison, — et un nombre immense de transactions se soldent ainsi sans l’emploi du numéraire; on en évalue le montant à 2 milliards par semaine, soit à plus de 100 milliards par année à Londres seulement. Nous ne sommes pas aussi avancés en France, nous n’avons pas de clearing houses, cependant d’énormes progrès ont été faits également en matière de crédit. Nous avons beaucoup d’établissemens financiers qui n’existaient pas avant 1848, et qui tous ont pour but de faciliter les opérations commerciales au moyen de viremens. Le portefeuille de tous ces établissemens, joint à celui de la Banque de France, représente plus de cinq fois ce qu’il était il y a vingt ans, et nous avons en circulation 1,300 millions de billets au porteur contre moins de 400 avant 1848.

Toutefois le crédit ne remplace pas toujours le numéraire, nous en avons fait l’épreuve en 1856 et 1857. L’encaisse métallique de la Banque de France ayant baissé dans ces deux années au-dessous de 200 millions, il fallut élever le taux de l’intérêt à 7 et 8 pour 100. De même encore en 1864. Le crédit est un auxiliaire puissant pour le commerce, mais il n’est qu’un auxiliaire. L’instrument principal est toujours le numéraire, et, à mesure que les affaires se développent, il en faut davantage. L’Angleterre, qui en avait pour 1,500 millions il y a vingt ans, en a aujourd’hui pour près de 2 milliards 1/2, et la circulation métallique de la France a dû s’accroître dans le même espace de temps d’au moins un tiers, être portée de 4 à 6 milliards. L’augmentation pour notre pays est-elle trop forte ? Il le semblerait quand on regarde l’encaisse de notre principal établissement financier : au bilan du 1er juillet 1869, il était de 1,222 millions, chiffre prodigieux qu’on n’avait jamais vu autrefois. On a beaucoup discuté sur cet encaisse, nous en avons fait nous-même ici l’objet d’une étude spéciale[1]. Les 1,200 et quelques millions de numéraire amassés à la Banque sont bien évidemment le résultat d’une stagnation prolongée dans les affaires. Il ne peut y avoir de doute à cet égard ; mais en même temps on est obligé de reconnaître qu’avec l’extension de ses succursales, avec la facilité des communications, la Banque de France tend à devenir de plus en plus le réservoir de toutes les ressources disponibles du pays et particulièrement du numéraire. C’est un rôle que joue déjà depuis longtemps la Banque d’Angleterre; tous les établissemens de crédit, toutes les maisons de commerce, y déposent leurs réserves, et, quand de grands besoins se manifestent, c’est sur elle qu’on tire de tous côtés, ce qui rend alors sa situation très critique, et l’oblige à

  1. Voyez, dans la Revue du 15 mai 1868, la Grève du milliard.