Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/981

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui avait mandé chez lui le cardinal di Pietro. Devant ce membre du sacré-collège, Maury se mit à développer de nouveau sa thèse : 1° sur la forme de la lettre; elle n’était pas dans le style d’usage vis-à-vis des souverains de France, ce qui supposait toujours dans l’esprit du pape les mêmes dispositions qui lui avaient dicté l’excommunication;... 2° sur le fond de la lettre; elle n’était pas conforme aux vrais principes de l’église catholique... Après avoir développé ces deux points, Maury termina la conférence en faisant remarquer que le pape paraîtrait aux yeux du monde entier n’avoir pris son parti qu’en raison des circonstances politiques. « C’est ainsi qu’il en avait agi déjà dans le temps de la bataille d’Austerlitz; l’on ne verrait dans toute cette conduite que le regret de la temporalité perdue par de fausses spéculations du même genre; l’on en conclurait qu’il faisait toujours dépendre le sort de l’église de celui de sa souveraineté temporelle. Cependant l’empereur reviendrait triomphant, et toute confiance serait perdue, et le pape aurait fait par sa faute le malheur de l’église[1]. » Ces choses et de plus fortes encore avaient été nombre de fois et sur tous les tons répétées à Pie VII par le comte de Chabrol et par tous les messagers de Napoléon, Quelle que fût l’éloquence naturelle de Maury, il n’obtint pas d’autre succès que de se faire congédier avec des paroles assez sévères.

Cette dernière tentative avortée, il ne restait plus à Napoléon qu’à mettre définitivement à exécution les mesures que dans sa colère il tenait déjà toutes prêtes, et à sévir contre les personnes. Il ne s’en fit pas faute. Le 2 avril, il écrivait à son ministre des cultes :


« Je désire que vous envoyiez à l’adjudant Lagorse le Bulletin des lois qui a publié le concordat comme loi de l’état, celui qui contient le décret sur le serment et celui qui contiendra les mesures ordonnées pour l’exécution du concordat. Il faudra que successivement il laisse tomber ces Bulletins entre les mains des cardinaux pour qu’ils les voient... J’ai ordonné qu’on n’admît plus personne à la messe du pape, si ce n’est les cardinaux. J’ai donné ordre que le cardinal di Pietro fût enlevé secrètement la nuit et transporté à 40 lieues, dans une petite ville où il restera en surveillance. Enfin les ordres seront donnés pour qu’on ne laisse plus venir personne à Fontainebleau. Notre principe étant que les grâces de l’église ne peuvent parvenir aux fidèles que par le canal de l’évêque, tous ceux qui se présenteront seront renvoyés à leur évêque. Présentez-moi un projet de circulaire aux évêques en ce sens, et alors on enverrait auprès du pape un agent par lequel la correspondance serait transmise. J’ai fait signifier aux cardinaux qu’ils n’aient à se mêler

  1. Conférence du cardinal Maury avec le pape, rapportée par M. Bigot de Préameneu à l’empereur, 1er avril 1813.