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de rien, et puisqu’ils ne veulent pas arranger les affaires de l’église, que du moins ils ne troublent pas celles de l’état[1]. »

Quelques jours après cette lettre, le général comte de Saint-Sulpice, gouverneur du château, et les évêques français étaient en effet rappelés de Fontainebleau à Paris. Dans la nuit du 5 avril, un agent du duc de Rovigo entrait dans la chambre du cardinal di Pietro, et, sans lui permettre de revêtir aucun des insignes de sa dignité, l’obligeait à partir immédiatement pour Auxonne, où il resta déporté jusqu’à la chute de l’empire. Le commandant Lagorse, quittant son habit de chambellan pour reprendre son uniforme de gendarme, signifia au cardinal Pacca et aux autres membres du sacré-collège que l’empereur était mécontent d’eux, « parce qu’ils avaient retenu le pape dans l’inaction depuis leur arrivée à Fontainebleau. S’ils désiraient rester dans cette ville, ils devaient s’abstenir d’entretenir le pape d’affaires, n’écrire aucune lettre soit en France, soit en Italie, se tenir dans l’inaction la plus complète et se borner à faire au pape des visites de pure convenance. S’ils agissaient autrement, ils compromettraient leur liberté[2]. »

Cette communication un peu contradictoire du commandant Lagorse avait évidemment pour but, en effrayant les cardinaux, de les empêcher de donner la moindre publicité à la protestation du saint-père. Afin de mieux établir qu’il considérait la lettre de Pie VII comme non avenue, et le concordat de Fontainebleau comme désormais en pleine vigueur, l’empereur fit publier un décret qui le rendait obligatoire pour les archevêques, les évêques et les chapitres. Il manda en même temps par M. Daru à M. Bigot de Préameneu d’avoir à lui apporter en conseil un état des sièges épiscopaux alors vacans et une liste de présentation[3]. Douze évêques soigneusement choisis sur cette liste furent sur-le-champ désignés par l’empereur, et parmi les diocèses ainsi pourvus de nouveaux titulaires se trouvaient ceux de Gand, de Troyes et de Tournai. Un autre décret rendu à la même époque, et qui d’ailleurs ne reçut jamais d’exécution, statuait qu’à l’avenir les appels comme d’abus, au lieu d’être déférés au conseil d’état, seraient jugés par les cours impériales; enfin, par une dernière disposition, conforme à la lettre du traité, mais qui resta illusoire comme la précédente, il se donna le mérite apparent d’accorder grâce entière « aux individus des départemens de Rome et de Trasimène qui avaient encouru les peines portées par les lois pour avoir refusé les sermens exigés d’eux. » Aucun

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 2 avril 1813. (Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.)
  2. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 335, 336.
  3. Le comte Daru à M. Bigot de Préameneu.