Smet, en condamnant des jeunes gens qu’on traitait de rebelles à revêtir malgré eux cet uniforme, on faisait entrer dans ce corps deux jeunes séminaristes qui appartenaient à de riches familles de Gand; puis, se ravisant tout à coup, on les mit au secret à Sainte-Pélagie, pour les envoyer définitivement servir comme simples soldats, l’un à Bayonne, l’autre à Perpignan[1]. »
Qu’on se figure le désespoir des familles, et l’effet produit par de semblables mesures sur des populations très attachées à la religion catholique. L’émotion s’étendit bien au-delà des murailles de la ville de Gand. Elle gagna toutes les campagnes des Flandres, étonnées de se voir ainsi traversées par de longues files de voitures qu’accompagnait la gendarmerie et où gisaient entassés, en guise de malfaiteurs, les défenseurs de leur foi. Ces malheureux convois se multipliaient de toutes parts, et prenaient en même temps toutes les directions, car les séminaristes de Gand n’avaient pas seuls été frappés. Tandis que ces jeunes gens allaient expier dans les dangereuses garnisons du nord de l’Allemagne le tort d’avoir bravé Napoléon, nombre de prêtres vieux et infirmes, la plupart curés de paroisse ou professeurs de théologie, étaient en même temps acheminés vers les prisons de France, pour avoir encouragé par leurs discours et par leurs exemples une si coupable rébellion. Les plus dévoués fonctionnaires de l’empire blâmaient tacitement, sans oser toutefois s’y soustraire, ces ordres inhumains qui suivirent de si près les victoires de Lutzen et de Bautzen[2].
Était-il généreux, était-il raisonnable, était-il seulement prudent, au lendemain de succès éphémères, d’aviver par des mesures d’une violence aussi inqualifiable la querelle pendante avec le saint-siège? était-il même de l’intérêt de l’empereur de prolonger encore, si peu que ce fût, la captivité du pape ? Telle était la question que se posait en ce moment, sur son lit de mort, celui des prélats qui avait soutenu avec le zèle le plus chaleureux et le plus constant la cause de l’empereur. Surpris à Nantes, dans les premiers jours de juillet 1813, par les atteintes d’un mal presque subit, M. Duvoisin avait ramassé toutes ses forces pour adresser au souverain qu’il avait trop gâté par ses complaisances antérieures de sages, mais tardifs conseils. « Je vous supplie, lui écrivait-il quelques heures avant d’expirer, je vous supplie de rendre la liberté au saint-père. Sa captivité trouble les derniers instans de ma vie. J’ai eu l’honneur de vous dire plusieurs fois combien cette captivité affligeait toute la chrétienté, et combien il y avait de l’inconvénient à la prolonger. Le retour de sa sainteté à