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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/131

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pour obvier aux maux dont l’organisation défectueuse des bandes agricoles est à présent l’origine. Ce projet de réglementation a des mérites et des défauts. L’organisation des agricultural gangs, telle qu’elle s’est constituée en Angleterre depuis trente ans, a eu pour principal effet, avons-nous dit, d’assimiler le travail agricole au travail industriel. On comprend qu’il devienne nécessaire de surveiller un ordre de choses complètement nouveau. Du moment que les ouvriers des campagnes se sont trouvés enrégimentés comme les ouvriers des villes, que les enfans et les femmes ont été raccolés pour les ouvrages des champs comme pour les travaux des fabriques, il devenait nécessaire qu’une partie des règles auxquelles est soumis le manufacturier fût imposée également à l’entrepreneur de travaux agricoles. Ainsi conçue, l’action de la loi, l’intervention des magistrats, ne peuvent donner prise à aucune critique légitime.

Le point où l’enquête anglaise nous paraît pécher, si ce n’est précisément dans ses conclusions, du moins dans ses tendances, c’est lorsque, confondant les maux inhérens au travail des champs en général avec les calamités spéciales découlant de l’organisation des agricultural gangs, elle émet l’opinion qu’on devrait, dans certains districts du moins, selon l’appréciation des magistrats locaux, interdire d’une manière absolue l’entrée des femmes et des filles dans les bandes d’ouvriers agricoles. Sous prétexte que l’humidité est nuisible à la femme, qu’un travail prolongé en plein air peut avoir de funestes conséquences pour sa santé, prétendre lui interdire de faire partie des public gangs, c’est singulièrement méconnaître à la fois les droits de la femme et les exigences de notre état social. Comment vouloir défendre aux femmes, par exemple, de sarcler dans les blés humides ? Cependant les commissaires de l’enquête anglaise recommandent une pareille mesure en réclamant l’extension au travail des champs de certaines clauses de l’act régissant les manufactures. Dans une pareille voie, où s’arrêterait-on ? La femme majeure est une personne complète et libre, ne relevant que d’elle-même ou de son mari : sous quel prétexte la soumettre à une réglementation spéciale ? C’est un fait incontestable que les femmes ont une peine infinie à trouver l’emploi de leur travail et à gagner leur pain. Néanmoins il existe une école philanthropique qui exclurait volontiers les femmes, sous prétexte de leur venir en aide, de tous les ouvrages lucratifs. Sur le continent du moins, on ne voudrait leur fermer que les mines ou les fabriques ; mais voici qu’en Angleterre on parle de leur interdire l’entrée de ces associations d’ouvriers agricoles qui leur procurent une occupation permanente et un salaire assuré. Singulière protection en vérité que celle qui, pour sauvegarder la morale et défendre la santé de la femme, condamnerait les filles et les veuves à mourir de faim ! Il