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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/38

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REVUE DES DEUX MONDES.

est éminemment utile. C’est dans la foi en sa vérité qu’elle puise son utilité. M. Janet s’abuse quand il compare la religion à la médecine et demande « si c’est pour des raisons spéculatives et en croyant à la médecine comme science que les hommes s’adressent à elle. » Il n’en est pas du monde moral comme du monde matériel ; la religion, remède au mal moral, n’agit pas comme agissent contre le mal physique la quinine ou l’émétique, indépendamment de la pensée et de la confiance du malade ; l’âme ne se guérit qu’à la condition d’avoir foi dans son médecin, et il n’y a de remède efficace contre les maux de l’âme que le remède accepté par l’âme elle-même. La religion chrétienne puise sa force à deux sources : l’une est sa vérité réelle et historique ; l’autre est sa profonde harmonie avec les intérêts et les besoins spirituels et moraux de l’âme humaine. Supprimez l’un de ces deux élémens d’attrait et d’autorité dans le christianisme ; supposez qu’historiquement il ne soit pas vrai, ou qu’il ne donne pas satisfaction aux aspirations de l’âme vers la solution des grands problèmes qui l’obsèdent ; maintenez ensuite, tant qu’il vous plaira ou que vous le pourrez, les formes, les règles, les cérémonies, les symboles, toutes les apparences, toutes les pratiques extérieures de la religion et du respect que vous aurez la prétention de lui témoigner : vous verrez bientôt s’évanouir son efficacité, comme la flamme, la lumière et même la fumée s’évanouissent quand le feu est éteint.


V.

Je reviens au spiritualisme. Je ne veux plus faire sur ce point que deux observations : l’une est une question, l’autre un reproche. M. Janet ne s’offensera, j’en suis sûr, ni de l’une ni de l’autre. Nous exprimons notre pensée avec la même franchise, et c’est avec la même indépendance que nous cherchons la vérité.

Je disais naguère en abordant ce sujet : « Il n’y a pas dans le spiritualisme philosophique tout ce que M. Janet en espère. Il y a plus qu’il n’y montre ou qu’il n’y voit. » Dans la première de ces deux assertions, j’ai supposé que M. Janet ne regardait pas le spiritualisme philosophique uniquement comme une doctrine savante, propre à satisfaire une élite d’esprits méditatifs, et qu’il espérait de cette doctrine, si elle devenait générale, les bons effets moraux et sociaux que produisent, de son aveu, les croyances chrétiennes. En termes courts et simples, j’ai présumé, dans la pensée de M. Janet, cette confiance que le spiritualisme pouvait, en fait d’influence salutaire, équivaloir à la religion. Ai-je eu raison ou tort dans ma supposition ?

J’incline à croire que j’ai eu tort. M. Janet est trop éclairé et trop sensé pour attribuer à une étude philosophique la puissance d’une croyance religieuse. Le spiritualisme n’est ni le résultat général et