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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/483

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L'ART CONTEMPORAIN

LES SCULPTURES DE M. CARPAUX.

Il s’est fait beaucoup de bruit depuis quelque temps autour du nom de M. Carpeaux. Il a été porté aux nues et honni. D’un côté les amateurs du beau classique, de l’autre les ennemis de la tradition académique, ont combattu à propos de lui comme jadis les Grecs et les habitans d’Ilion sur le corps de Patrocle. On ne sait encore qui l’emportera. Une main demeurée inconnue s’est attaquée à la pierre de son dernier groupe, et dans la tache qui s’étalait aux regards quelques-uns auraient bien voulu voir la vengeance d’un dieu irrité, car nos dieux d’aujourd’hui se vengent des offenses des mortels comme ceux d’Athènes ou de Phrygie.

Essayons d’examiner les travaux de l’artiste, d’en démêler les qualités et les défauts. Nous en dirons ce que nous pensons, non pas sans passion, — qui peut se flatter d’en être exempt, et que gagnerait le lecteur à ce qu’il en fût ainsi ? — mais sans parti-pris et sans ambages, Ce n’est certes point un homme ordinaire que M. Carpeaux, et nous ne croyons pas que son œuvre, assez considérable déjà, puisse être traitée, autrement qu’avec déférence, en raison de l’effort qu’elle a exigé. Des erreurs même, résultat d’une volonté consciencieuse et sincère, ne sont pas indignes de respect. Les premiers travaux de lui auxquels on puisse remonter, bien qu’il fût déjà en possession de quelque estime parmi ses condisciples, ne témoignaient guère de ce qu’il devait se montrer plus tard, lorsque, débarrassé de toute entrave, il marcherait d’un pas hardi sur la