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spontanéité se joint chez les végétaux la difficulté de réagir contre les milieux ambians par l’absence d’un foyer de combustion intérieure. Non-seulement la chaleur qu’ils portent en eux garantit les animaux, surtout les plus élevés en organisation, contre le froid, mais ils peuvent, par le choix des alimens absorbés, accroître l’intensité de cette force de résistance. Les végétaux sous ce rapport sont évidemment bien plus dépourvus de moyens de défense ; ils réagissent pourtant, mais très lentement, par une sorte de sélection. L’organisation, basée sur des combinaisons trop délicates et trop complexes, des végétaux du midi succombe à coup sûr sous une atteinte souvent très faible. Quelques-uns d’entre eux se montrent pourtant robustes et cosmopolites, quelle que soit leur provenance. Le blé, le riz, le maïs, la pomme de terre, le tabac, la vigne même, occupent des espaces qui se prolongent bien au-delà des limites de la distribution naturelle de ces plantes. L’homme a su agrandir le cercle où on les peut cultiver, s’attachant aux seules parties qu’il utilise dans chacune d’elles.

Il existerait bien des singularités à signaler en considérant la distribution des plantes cultivées relativement à celle des régions d’où on présume qu’elles sont sorties. Le bananier, maintenant répandu dans toute la zone torride des deux mondes, a dû cependant être apporté en Amérique de l’Asie méridionale à une époque dont il est impossible de fixer exactement la date, mais qui, si l’on s’en rapportait à certains indices, serait peut-être antérieure à la découverte. Le maïs est au contraire américain d’origine, il était cultivé par les indigènes ; cependant il n’a jamais été retrouvé à l’état sauvage. Il en est sans doute de même du froment. Il est à peu près certain qu’on ne l’observe nulle part à l’état spontané, et les exemples cités par quelques voyageurs se rapportent plus probablement à des semis sporadiques qu’à des plantes réellement sauvages et indigènes. Le froment primitif existe peut-être dans une des nombreuses espèces de triticum, ou blé naturel, que les botanistes connaissent sans qu’il soit possible d’en saisir la parenté avec le froment cultivé. Les grains de blé les plus anciens proviennent des ruines des cités lacustres ; ils ne sont qu’imparfaitement séparés de la glume et bien plus petits que les nôtres, puisque les plus gros n’ont que six, rarement sept millimètres de longueur, et les plus faibles seulement quatre, tandis que les grains modernes en mesurent presque toujours sept ou huit. La culture a donc su modifier la céréale primitive, dont le grain était à peine comestible, et a développé chez elle une tendance à varier et à grossir qui s’y trouvait à l’état latent. Aucune plante ne semble plus artificielle que le froment, aucune n’exige des soins plus constans et une sélection plus attentive ; les changemens obligés de semence et le choix qu’il faut