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put augmenter le nombre de ses soldats et acheter de belles parures à ses femmes ; aucun autre rajah ni sultan ne fut aussi grand ni aussi puissant que le rajah de Lombok.

Les Hollandais, qui dominent dans ces parages, ont laissé les institutions des différentes îles à peu près intactes, ce qui fait que leur gouvernement est supporté sans murmure. La moitié de l’île de Timor appartient aux Portugais, et l’on est frappé du contraste de cette région et de la partie hollandaise. Après trois siècles de possession, pas une lieue de route dans le pays, aucun résident européen dans l’intérieur. Les employés du gouvernement pillent les indigènes comme à la curée ; avec cela, aucun moyen de défense en cas d’attaque de la ville de Delli. Les officiers portugais qu’on y trouve sont si ignorans qu’ayant reçu un petit mortier et des bombes, ils ne savaient comment s’en servir. Pendant le séjour de M. Wallace, une insurrection éclata. Le capitaine qui devait aller la combattre se déclara malade, et les insurgés eurent bientôt coupé les vivres à la ville, de sorte qu’on fut obligé de demander du secours au gouverneur hollandais d’Amboine.

Aux Célèbes, où M. Wallace résida pendant assez longtemps en 1856, en 1857 et en 1859, il eut tout loisir d’étudier le système colonial des Hollandais et d’en apprécier la sagesse. Les Hollandais ont conservé partout les chefs indigènes, et c’est en agissant sur l’esprit de ces derniers qu’ils ont obtenu de grandes réformes dans les mœurs et les habitudes des peuples, réformes qui auraient été acceptées moins facilement, si on avait essayé de les imposer d’autorité. Il entre sans doute dans ce système un despotisme très réel sous des formes paternelles ; mais c’est le seul moyen d’amener ces sauvages à la civilisation. Le pays de Minahasa, dans la partie nord de Célèbes, ressemble aujourd’hui à un vaste jardin ; les habitans sont les mieux nourris, les mieux logés, les plus pacifiques et les plus industrieux de l’archipel. Tous les villages sont entourés de plantations de café d’un grand rapport, et si le gouvernement conserve le monopole de cette denrée, c’est qu’il a créé les plantations à ses frais et qu’il ne perçoit pas d’autre impôt. Les missionnaires ont d’ailleurs beaucoup, contribué aux heureux changemens qui se sont opérés dans l’état du pays en établissant partout des écoles, tenues généralement par des indigènes dont ils ont fait l’éducation. Un seul point ne paraît pas encore avoir éveillé la sollicitude du gouvernement comme il le mériterait. Dans toutes ces îles, la population reste stationnaire, au lieu d’augmenter, malgré la fertilité du sol. La seule cause apparente de cet état de choses, c’est la condition des femmes. Elles travaillent beaucoup trop aux champs, et cela depuis l’âge de neuf ou dix ans jusqu’à la fin de leurs jours, ce qui les empêche de soigner les enfans. Cela explique la rareté des