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ce grand allégement des peuples. Le moment était d’ailleurs bien choisi, puisque la Prusse commence à sentir le poids de charges financières démesurées. Le ministre des finances, M. von der Heydt, venait de succomber devant la difficulté d’établir de nouveaux impôts devenus nécessaires ; il a été remplacé par M. de Camphausen, qui est aujourd’hui à la recherche de nouveaux moyens pour combler le déficit. Raison de plus, à ce qu’il semble, pour attaquer le mal à la racine en diminuant les dépenses militaires, d’autant mieux que de l’avis de tout le monde aucun symptôme menaçant n’apparaît en Europe. Ces raisons ne sont pas assurément sans poids, et elles ont été exposées avec talent. La proposition de M, Virchow n’a pas moins été repoussée, et elle ne pouvait manquer de l’être, puisqu’elle avait contre elle non-seulement les amis invariables du gouvernement, mais encore le parti national-libéral. Les démocrates eux-mêmes se sont fait un plaisir de repousser une de leurs idées favorites parce qu’elle était soutenue par la gauche modérée, appelant la proposition de M. Wirchow une « petite sonnerie progressiste sur une basse grand’prussienne. » La discussion n’a pas moins été des plus instructives, et un des orateurs, M. Lœve, s’est efforcé de prouver, l’exposé financier à la main, que la force imposable du pays a perdu considérablement depuis 1866 ; il a montré à quel point l’organisation militaire de la Prusse, brillante au point de vue des armes, est dispendieuse et onéreuse pour le peuple. Tout cela peut être vrai, mais derrière le désarmement matériel il y a le désarmement politique. La Prusse est-elle décidée à abdiquer son rôle en Allemagne ? Elle n’en est certes pas là, et si elle garde ses idées, ses ambitions, comment songerait-elle à réduire sérieusement ses dépenses militaires ? C’est bon pour les députés saxons, qui ont récemment émis le vœu que la confédération du nord réduisît son budget de la guerre. A Berlin, si pacifique qu’on soit pour le moment, on ne songe guère à désarmer, on veut se tenir prêt pour toutes les circonstances.

Allez au-delà des Alpes. Le roi Victor-Emmanuel vient d’être assez malade pour s’être trouvé en danger, pour recevoir les sacremens, tout excommunié qu’il soit, le digne homme, l’intrépide chasseur. Au même instant, la princesse Marguerite mettait au monde un fils, que par politique autant que par galanterie pour la grande et poétique frondeuse du midi on a déjà nommé le prince de Naples. Victor-Emmanuel est hors de danger maintenant. Il est douteux néanmoins qu’il puisse aller au rendez-vous pris à Brindisi avec l’empereur François-Joseph, revenant, de Suez, et il ne pourra pas non plus sans doute ouvrir le parr lement, qui se réunit ces jours-ci à Florence. Le ministère se présentera seul devant les chambres. C’est une étrange destinée que celle de ce cabinet qui est toujours le même en se modifiant sans cesse. Il a eu déjà depuis deux ans quatre ministres de l’intérieur, trois ou quatre ministres de la justice, autant de ministres du commerce. Les seuls mi-