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réciproques. L’initiative de l’association a produit cet avantage assez inespéré qu’une simple étude des besoins de notre éducation est devenue par le fait une enquête populaire et solennelle, une manifestation significative, une affirmation des tendances respectives des peuples qui poursuivent, chacun de leur côté, la recherche de l’art et du beau. De pareilles luttes rapprochent les peuples, tout en excitant leur émulation. Déjà les frontières s’effacent. Elles disparaissent de telle façon que le mot de membres étrangers ayant été prononcée au congrès, un journaliste anglais s’est levé pour protester, déclarant que pour sa part il n’en apercevait point ; et peut-être avait-il raison. En ces conciles de l’esprit moderne peu à peu s’élargissent les sentimens d’étroit patriotisme dans lesquels nous sommes habitués à nous mouvoir.

Une partie des résolutions prises sera exécutée, nous en avons l’assurance. De ces assises il résultera donc autre chose que des souhaits formulés ; il en restera quelques faits pratiques. En admettant qu’on n’y apprenne cependant qu’à se venir en aide les uns aux autres, à essayer de guérir par des soins communs les plaies de tous et de chacun, ce ne serait pas un si mince avantage. Quant à la société de l’Union centrale elle-même, qui pourrait supposer que son action a été gênée en ces derniers temps par des velléités d’intervention de l’état ? L’état, qui ne parvient pas à étreindre tous les objets qu’il embrasse et dont il est surchargé, l’état, qui, pareil à l’avare Achéron des anciens, ne rend guère ce qu’il engloutit, eût aimé, dit-on, qu’une telle société, dont l’expansion devient sensible, ne demeurât pas en dehors de son influence. Peut-être a-t-on songé à revêtir de l’uniforme les principaux chefs, à qui on aurait cru faire beaucoup d’honneur. Ils seraient devenus des sortes de fonctionnaires, et l’Union centrale n’aurait plus été qu’une sorte de rouage administratif. Heureusement elle a jusqu’ici échappé au danger. La voilà en pleine mer, avec un bon vent et des pilotes habiles. Nous espérons qu’elle saura se préserver des écueils.


CH. D’HENRIET.