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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/532

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mence, tout ce qui lui inspirait un certain intérêt, ne réservant le calme et la tiédeur que pour les choses absolument indifférentes. Or rien ne l’intéressait plus que cette association, cette œuvre militante, où toutes ses convictions étaient en jeu. Il y trouvait une sorte de satisfaction provisoire au besoin d’activité pratique et de vie politique, à l’aptitude et au goût d’organisation qui était le fond de sa nature. Cette seule raison eût donc suffi pour qu’il portât à notre tentative un véritable attachement ; un autre motif encore recommandait le Globe à sa sollicitude. C’était chose alors extraordinaire et contraire à tous les usages qu’un jeune homme vivant dans le monde, dans un monde d’élite, dans la haute société, prit une part assidue à la rédaction d’un journal. Il n’y avait qu’un moyen de justifier l’innovation et.de réduire au silence la routine et le préjugé : ce moyen était le succès, le succès sans conteste et surtout de bonne qualité. Aussi chaque fois que dans nos colonnes paraissait un travail remarqué et bien accueilli, comme il s’en réjouissait pour l’honneur du drapeau! C’était vraiment pour lui un succès personnel, tandis qu’il ressentait une sorte de souffrance, et ne cherchait pas à le dissimuler, quand par hasard, au milieu des querelles que soulevaient dans la presse les questions littéraires, il arrivait que notre polémique, s’échauffant un peu trop, semblât pour un instant perdre ce ton de parfaite urbanité dont le public, non moins que les salons, sentait alors encore le prix, et ne pardonnait guère qu’on abrogeât l’usage. Aussi ce n’était pas un de nos moindres gages de succès que les sages exigences de notre ami et sa persévérance à nous faire éviter cette sorte d’écueil.

Mais de tous les services qu’il avait à nous rendre, le plus précieux, le plus réel, était sa collaboration. Grâce à lui, le Globe, dès ses débuts, avait donné à ses lecteurs sur l’histoire et sur la théorie de l’économie politique des notions aussi neuves que complètes et solides. On n’imagine pas de quelle sorte d’apprentissage notre public français avait alors besoin pour s’initier à cette science qui ne court pas les rues, même encore aujourd’hui, mais dont chacun connaît au moins l’objet, et sait ou croit savoir les premiers élémens. Il s’en fallait qu’on en fût là en 1825. L’antipathie de l’empereur Napoléon Ier pour toute espèce de théories s’était naturellement étendue aux théories économiques, et c’est un fait certain, si prodigieux qu’il soit, la seconde édition du traité de M. J.-B. Say, de ce livre purement didactique et parfaitement inoffensif, qui n’avait d’autre crime que d’importer en France les découvertes d’un homme de génie dont s’honorait l’Angleterre, la police impériale en avait interdit la vente. Ce n’était donc pas seulement l’indifférence des sujets, c’étaient les rigueurs du maître qui avaient presque étouffé cette science dès son berceau. Même sous la restauration, lorsque