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Arabes au VIIe siècle de notre ère[1]. Dès le VIIIe siècle, elle entrait directement en lutte avec les califes. Ceux-ci infligeaient même aux troupes de l’empereur de Chine une sanglante défaite à l’époque où les Maures succombaient à Poitiers sous les coups de Charles Martel; mais malgré ces récens souvenirs, en l’année 757, Sout-song, menacé par une insurrection formidable, n’hésita point à faire appel aux musulmans et à solliciter l’appui des califes contre ses propres sujets révoltés. Abou-Abbas et Abou-Giafar-Almanzor, chefs de la famille des Abbassides et fondateurs de Bagdad, expédièrent en Chine des troupes que le père Gaubil suppose avoir été des bandes arabes tenant garnison sur les frontières orientales du Khorassan et du Turkestan. Ces forces, réunies à l’armée chinoise, à un corps de Tartares occidentaux et au continssent fourni par les Oïgours, formèrent un effectif assez puissant pour permettre à Sout-song de tailler en pièces ses ennemis. La bataille eut lieu dans le Chensi, non loin de Si-ngan-fou, qui était à cette époque la capitale de l’empire. Taïssoung fut contraint, comme son père, d’invoquer le secours des étrangers, dont un grand nombre, lassés de leurs longs voyages à travers l’Asie, se fixèrent sur le sol qu’ils étaient venus défendre.

D’un autre côté, les Chinois eurent avec les peuples de l’Occident des relations commerciales, présentées souvent, il est vrai, dans les annales chinoises comme des rapports obligés de vassaux à suzerain, mais dont le véritable caractère ne saurait être contesté. Parmi ces peuples qui, dès les temps les plus reculés, envoyèrent des marchands dans l’empire, les Arabes ont toujours eu une importance particulière, et au temps où leurs coreligionnaires combattaient dans le nord sous l’étendard impérial, ils ne craignaient pas de piller et d’incendier Canton, cité déjà très commerçante, avec laquelle ils entretenaient par mer des rapports lucratifs. Le négoce et la guerre, voilà donc les deux grandes causes qui plusieurs fois durant le cours des siècles mirent en contact les Chinois et les musulmans ; ceux-ci ont fait irruption dans l’empire à des époques diverses et par des chemins différens. Cette conclusion générale ressort également de traditions altérées, mais vivantes encore dans le pays, et de l’étude des faits; en la soumettant au lecteur, je n’ai plus qu’à le renvoyer aux sources, s’il est curieux d’étudier de près ces formidables chocs de nations dont la vieille Asie a été le théâtre et dont l’Europe a souvent ressenti le contre-coup.

Les musulmans étaient déjà si nombreux dans le Yunan au XIIIe siècle que Marco-Polo, écrivant en 1295, représente la popu-

  1. Klaproth, Tableaux historiques de l’Asie.