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succès, peut seule absoudre le général, condamné pour sauver l’armée à être plus avare du temps que du sang de ses soldats.

La batterie de brèche, jetée si brusquement en avant, sera soutenue par les batteries n° 4 et 6, et par deux autres, n°’ 7 et 8, construites sur la hauteur en arrière à gauche de Coudiat-Aty. Le reste de l’artillerie du Mansoura, moins trois pièces qui demeureront dans la batterie du roi pour continuer à enfiler le front d’attaque, sera ainsi concentré sur Coudiat-Aty pour l’épreuve décisive et encore incertaine du tir en brèche.

L’ennemi sent l’étreinte des Français se resserrer et s’affermir; mais il voit leurs projets sans découragement, et combat avec une rage nouvelle pour reculer l’heure fatale.

Le 10 au matin, un mouvement combiné s’opère contre les Français, obligés par le feu du front de Coudiat-Aty de suspendre la construction de la batterie de Nemours. Les cavaliers d’Achmed essaient de couper la communication entre Mansoura et Coudiat-Aty, et livrent plusieurs combats aux assiégeans, dont l’effectif diminue à mesure que les travaux et les dangers du siège commencent. Les sorties journalières de la garnison sont empreintes cette fois d’un caractère particulier de fureur, mais ne sont que de stériles protestations contre les avantages acquis à l’attaque ; les Turcs surtout s’acharnent contre les retranchemens de Coudiat-Aty.

Le duc de Nemours et le général de Damrémont, désigné aux coups de l’ennemi par son chapeau à plumes blanches, s’élancent au-delà du parapet. Six des officiers qui les suivent tombent frappés autour d’eux; mais les Turcs, chargés à la baïonnette de haut en bas, sur la pente la plus verticale de Coudiat-Aty, par les soldats de la légion étrangère, que le duc de Nemours excite en allemand, sont délogés des ravins où ils s’étaient blottis et rejetés en désordre jusque dans la place. L’activité de Ben-Aïssa se tourne alors contre le poste du Bardo, qui lui paraît le plus menaçant parce qu’il est le plus rapproché, et contre lequel il dirige d’abord à la nuit tombante une vive fusillade, puis une nombreuse sortie dès que la nuit est bien venue.

Le colonel Combes donne aux compagnies d’élite de son régiment l’ordre de laisser approcher l’ennemi, puis de le repousser à la baïonnette, en silence, et sans tirer un seul coup de fusil. La discipline et le courage du 47e, mis à cette épreuve, ne faillirent point au milieu de l’obscurité de la nuit et du tumulte du combat; pas un cri, pas une détonation ne troublèrent la charge impétueuse de ces vieux africains, économes de leur poudre et prodigues de leur vie. Les plus hardis des Constantinois furent tués à l’arme blanche, et après cette leçon la garnison ne contraria plus que du haut du