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l’église et de l’état, c’est la question de la personnification civile. Déjà en France le clergé, dans une pétition adressée à la commission d’enquête, vient de demander qu’on reconnaisse les facultés libres comme personnes civiles, avec droit d’acquérir des propriétés par legs et donation. M. Prévost-Paradol, dans la France nouvelle, a bien montré l’importance du problème, sans insister assez, me semble-t-il, sur les conséquences de la solution qu’il considère comme seule équitable. « Le droit pour l’église, dit-il, de posséder, d’hériter, d’acquérir, le droit de réunir dans la main des chefs de l’association toutes les ressources dont elle dispose, sont des conséquences indispensables de la séparation de l’église et de l’état, et l’on ne peut même donner le nom de concession à la reconnaissance de droits si légitimes, car le refus de reconnaître ces droits, tout en séparant l’église de l’état, serait une persécution véritable. » C’est exactement le langage que tinrent les catholiques en invoquant la liberté de l’enseignement, quand en 1841 deux représentans, MM. Dubus et Brabant, proposèrent au parlement de reconnaître à l’université de Louvain la qualité de personne civile. Les termes de la proposition étaient très modérés et très habilement conçus. L’université ne pouvait acquérir des biens qu’avec l’autorisation du gouvernement, et cette autorisation ne pouvait plus être accordée dès que les acquisitions auraient constitué un revenu total de 300,000 francs. Indépendamment de la contribution ordinaire, il devait être perçu annuellement sur ces biens un impôt de 4 pour 100 du revenu cadastral.

Les personnes civiles, disaient les partisans de cette mesure, ayant droit de posséder et d’ester en justice, sont créées par la puissance publique. Le droit romain les a reconnues sous le nom d’universitates ou collegia. Depuis Justinien jusqu’à nos jours, elles se sont partout multipliées, et, malgré les abus dont elles n’ont pas été exemptes, elles ont contribué pour une large part aux progrès de la civilisation en Europe. La révolution française en a détruit beaucoup, mais elle a respecté celles qui avaient pour but de donner l’instruction ou de secourir les malades. Quoique l’opinion leur soit hostile, nos lois les admettent; mais c’est en Angleterre, aux États-Unis surtout, qu’il faut voir les résultats admirables dus aux associations, à qui l’on accorde sans difficulté l’existence légale. Puisque nous adoptons les libertés américaines, il faut aussi nous approprier les lois qui seules les rendent fécondes. Pourquoi tous les peuples civilisés ont-ils reconnu des personnes civiles? Parce que ces établissemens, ayant un caractère de perpétuité, peuvent seuls répondre à un besoin permanent. Or il n’existe pas de fondations plus utiles que celles qui ont pour objet d’encourager les hautes études et de répandre l’instruction supérieure, car c’est celle-ci qui