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arrivâmes à Copenhague, et nous pûmes voir toutes les richesses accumulées depuis le commencement du siècle admirablement disposées et classées sous plus de trente-cinq mille numéros. Ce chiffre est d’ailleurs bien loin de représenter celui des objets eux-mêmes. On n’a pas séparé ceux qu’on a trouvés sous la même pierre ou dans le même dolmen; on les a laissés sous la même étiquette, qui comprend ainsi des objets parfois très nombreux. Par exemple, dans un seul des quatre cercueils que renfermait le tumulus de Treemoi, en Jutland, on a trouvé toute une garde-robe du temps, des bonnets, un manteau, une sorte de jupon, une longue ceinture, deux châles à grandes franges, le tout en tissu de laine d’une conservation parfaite et accompagné d’une cassette en écorce, d’une petite boîte, d’un peigne en corne, d’un couteau et d’un glaive en bronze dans son fourreau de bois sculpté[1]. En contemplant ces objets réunis, le visiteur se fait aisément une idée de la civilisation de cette époque. Quant aux objets trouvés isolés, ils forment de nombreuses séries où l’on peut suivre pas à pas les progrès de l’industrie danoise, depuis les silex les plus grossièrement taillés jusqu’à ces merveilles qu’ont su réaliser le moyen âge et la renaissance.

Un seul reproche, ce me semble, doit être adressé à Thomsen et à ses dignes disciples. Ils ont merveilleusement su réunir et interpréter les œuvres de l’homme, ils ont négligé ou même détruit l’homme lui-même. Ces tumuli, ces chambres de géans si habilement explorés par eux, ne renfermaient pas seulement des outils, des armes, des parures, des vêtemens; il y avait aussi des squelettes, 15 dans la chambre de Tielm, 80 dans le tumulus de Borrebye, près de 100 dans celui de Skovsgaard. Comment n’a-t-on pas mis à conserver ces ossemens, ou tout au moins les têtes, le soin qui faisait recueillir jusqu’au moindre fragment de pierre ou de métal ? Quelle magnifique annexe au Musée des antiquités du Nord qu’un musée renfermant les restes des hommes qui taillèrent le silex, coulèrent le bronze ou forgèrent le fer dans ces âges reculés! Malheureusement peu d’antiquaires comprennent encore l’immense intérêt qui s’attache aux collections de cette nature. Les incertitudes, les tâtonnemens inséparables de toute science naissante leur inspirent une grande défiance pour les études anthropologiques, pour les résultats qu’elles donnent. Ils oublient que l’archéologie a eu également ses débuts, qu’elle se trompe parfois. Aussi n’ai-je trouvé à Copenhague qu’environ 70 têtes humaines extraites de ces vieilles tombes. En outre,. au lieu d’être réunies, elles sont divisées en quatre

  1. Guide illustré du musée des antiquités du Nord, par M. C. Engelhardt, secrétaire de la Société des antiquaires.