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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet 1870.

Le monde contemporain est destiné à éprouver d’étranges surprises, à voir entre un lever et un coucher de soleil passer de ces orages qui ébranlent tout, qui ravivent aussitôt le sentiment aigu de ce qu’il y a de fragile dans la situation de l’Europe.

Depuis un an, la France, tout absorbée dans ses transformations intérieures, ne songeait point à mal en vérité ; elle n’avait pas eu le temps de s’occuper de guerre ou de querelles diplomatiques, de campagnes d’hiver ou de campagnes d’été. Il y a quelques jours tout au plus, le corps législatif entrait dans la discussion du budget avec l’impatience d’une assemblée pliant sous la fatigue et aspirant au repos. Il n’y a pas deux semaines encore, M. Émile Ollivier, interrogé à propos du contingent militaire sur la situation de l’Europe et sur nos relations extérieures, se complaisait dans le spectacle d’une sérénité qu’il croyait sans doute avoir faite, et il disait en propres termes : « Je réponds que le gouvernement n’a aucune espèce d’inquiétude, qu’à aucune époque le maintien de la paix en Europe n’a été plus assuré. De quelque côté qu’on regarde, on ne voit aucune question irritante engagée… » M. Émile Ollivier assurait, et il le croyait certainement, qu’il avait fait pour la paix quelque chose de mieux que de se bien conduire diplomatiquement, qu’il avait fait le plébiscite, ce « Sadowa français » qui rendait maintenant toutes les négociations faciles au gouvernement. Sadowa, le mot était peut-être un peu vif, et allait être d’une opportunité douteuse ; mais il exprimait si bien le contentement de soi-même et le bonheur de s’égaler d’une certaine façon à M. de Bismarck ! Enfin rien de suspect n’apparaissait à l’horizon ; c’était ce « calme plat » dont parlait tout récemment à la chambre des pairs d’Angleterre lord Granville, le successeur du regrettable lord Clarendon au foreign office.

C’était un jour de l’autre semaine. Le lendemain, tout avait changé. La tranquillité de l’Europe n’était certes rien moins qu’assurée. Une