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perdu. Sur ce point encore, il est urgent d’aviser par des lois qui mettent un terme à la pollution des rivières.

Passons maintenant aux causes particulières qui contribuent à diminuer le nombre des poissons dans nos cours d’eau, et qu’il importe de faire disparaître. Il y a d’abord le braconnage, véritable fléau, dont nous débarrasserait le réseau de cantonniers riverains que nous avons proposé d’organiser. Échelonnés le long des rivières et au bord de la mer, ils réprimeraient les abus tout en donnant leurs soins à l’aquiculture sur leur cantonnement spécial. Ils feraient en même temps cesser l’empoisonnement des eaux en vue de la pêche, et empêcheraient d’ajouter, comme on le fait aujourd’hui, les effets d’une substance toxique aux misères que les intempéries peuvent infliger aux poissons.

Autrefois, au temps où les peuples étaient rares, une sécheresse survenant, la rivière n’était pas ravagée. Quelques tribus, profitant de cette bonne aubaine et battant l’eau de certaines cavités, y pratiquaient une récolte abondante, mais locale. Aujourd’hui une sécheresse persistante est le signal du dépeuplement absolu, rigoureux, des cours d’eau. La moindre flaque restante, le moindre détour encore humide devient la proie de l’homme ; tous les coins sont fouillés, et les premières pluies couleront sur un lit ne renfermant plus que des cailloux !

La capture, surtout la vente et le colportage des individus non adultes sont atteints dans les grandes villes par la dernière loi sur la pêche ; seulement dans l’intérieur des provinces tout cela est lettre morte. Avec l’organisation des cantonniers de l’eau, la destruction des jeunes poissons serait un fait très rare, sinon impossible. Nous en dirons autant de la pêche à la main, ce maraudage terrible que nous ont légué nos premiers pères. Désormais il n’y aurait pas plus de raison pour laisser le premier venu fouiller à la main le lit d’un ruisseau que pour lui permettre de piller un champ de pommes de terre.

Ce fut, il y a quelque vingt ans, quand l’appauvrissement de nos eaux se faisait déjà cruellement sentir, que naquit l’idée de la culture des eaux et de la récolte artificiellement préparée, augmentée, de leurs produits naturels. Il en a été de nos eaux comme de nos montagnes : de même que nous reculons, effrayés, devant les dépenses que nécessiterait le reboisement de nos crêtes dénudées, de même nous restons découragés par l’étendue des abus à détruire pour rendre la fertilité aux eaux de notre territoire. Encore avons-nous borné notre sujet, en n’examinant d’abord que l’état des eaux douces de la France. Que serait-ce si nous y comprenions l’étude des mers qui la baignent de trois côtés ! Certains écrivains