Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 90.djvu/539

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

citoyen A ; le public se partageait en deux camps, et c’était un beau tapage. Aux Folies-Bergère, la réaction a fini par passer décidément à l’état de majorité, et on a vu, comme jadis dans les cités grecques, la minorité émigrer pour se soustraire à une tyrannie insupportable. Le club des Montagnards, du boulevard de Strasbourg, a été fondé par un essaim de démocrates et de socialistes qui ne pouvaient se consoler de ne plus faire la loi aux Folies-Bergère. Au club de la Patrie en danger, le citoyen Blanqui était président inamovible, car la démocratie des clubs s’accommode au besoin de la dictature ; mais après le 31 octobre, le citoyen Blanqui ayant été obligé de chercher un refuge dans ses retraites accoutumées, le peuple du club a repris sa liberté, et il a recommencé à élire chaque soir son bureau. Il est sans exemple qu’une majorité révolutionnaire ait choisi les membres de son bureau dans la minorité modérée, tandis qu’il est arrivé très souvent aux Folies-Bergère et ailleurs que la majorité modérée ait accepté, par esprit de conciliation ou de guerre lasse, un gouvernement révolutionnaire. Outre le bureau, il y a des commissaires chargés de maintenir l’ordre et des employés spécialement commis à la recette. Le prix d’entrée est généralement de 25 centimes par personne dans les quartiers populaires ; au club Favié, de Belleville, ce n’est que 10 centimes, tandis qu’au club modéré de la salle Valentino la taxe monte à 50 centimes. Au club de la rue d’Arras et au club de la Cour des miracles, on donne ce qu’on veut. Ce droit d’entrée sert à payer les frais de location, quand la salle n’est point gratuite, l’éclairage et le balayage, et ces frais varient beaucoup selon les endroits : au club des Folies-Bergère et à la salle Valentino, l’éclairage au gaz était des plus brillans, au temps où il y avait encore du gaz ; à la Cour des miracles, où le club se tient dans une école gardienne, on se contente de lampes à pétrole. Le nettoyage ne coûte pas cher, et lorsqu’un club vient à conquérir la vogue, il y a presque toujours un notable excédant de recettes. Que devient cet excédant ? Au club de la Porte-Saint-Martin, on en a versé le montant à la souscription pour l’achat des canons ; mais tous les impressarii des clubs ne jugent pas à propos de publier leurs comptes, et le public ne leur fait pas l’injure de les demander. Lorsqu’un club ne fait pas ses frais, il se ferme tout simplement. C’est ce qui est arrivé à mainte réunion publique, et c’est ce qui arrivera selon toute apparence à maint club, probablement même à tous les clubs, quand les cauchemars de l’invasion et de la révolution qui oppressent et qui enfièvrent les esprits se seront dissipés.

Cependant le public commence à garnir la salle, public très bigarré, où les femmes et les enfans même sont en nombre, où les