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Tout danger de famine écarté, Bitche ne redoute guère une attaque de vive force. Le mamelon isolé sur lequel s’élève la ville est situé au milieu d’une plaine marécageuse où les canons s’embourberaient, et si l’on parvenait avec beaucoup de peine à installer des batteries à portée de la ville, les habitans et les soldats échapperaient facilement aux effets du feu en se réfugiant dans des casemates impénétrables. Les Prussiens paraissent penser jusqu’ici que l’entreprise présente plus de difficultés que d’avantages, et se contentent d’observer les lieux sans attaquer. On dit même que, par une sorte de convention tacite, on s’épargne des deux parts d’inutiles hostilités. Tant qu’on ne l’attaque pas, le commandant se tient sur la défensive ; mais il s’est bien promis de conserver son fort intact : il nous le garde patiemment pour nous le rendre en même temps que les munitions et les effets du corps de Failly. Ce sera un faible dédommagement de tout ce qu’éperdu de nouveau ce malheureux général à la bataille de Beaumont.

La forteresse de Longwy, quoique admirablement située, devait échapper moins facilement que Bitche aux chances d’un siège en règle. Au début de la campagne, pendant les grandes opérations qui se faisaient autour de Metz, l’éloignement du lieu de l’action la protégea d’abord. Elle se trouve en effet dans un angle de notre extrême frontière et comme protégée par la double neutralité de la Belgique et du grand-duché de Luxembourg, dont elle est la voisine immédiate. Tandis qu’en 1792 les Prussiens, venant de Luxembourg et d’Arlon, la rencontraient sur leur route en pénétrant sur le territoire de la France, cette fois il fallait la chercher, et vouloir la prendre pour s’aventurer sur le coin de terre qu’elle occupe. Aussi ne reçut-elle au commencement que la visite de quelques uhlans, qui sommèrent pour la forme le commandant de se rendre, et disparurent après une réponse négative. On n’avait pas eu besoin de cet avertissement pour se tenir sur ses gardes. Dès la fin du mois de juillet, la garde nationale s’organisait sous le commandement de M. d’Adelswærd, ancien officier d’état-major, ancien représentant du peuple ; la petite garnison préparait ses armes, et le génie faisait abattre tous les arbres sur les glacis de la place. On attendait les Prussiens, et, comme ils ne venaient pas, on alla au-devant d’eux. De petits détachemens, auxquels s’adjoignaient en volontaires quelques chasseurs du pays, excellens tireurs rompus à toutes les fatigues, fouillaient les bois dans la direction de Montmédy ou de Thionville, dont le canon s’entendait jusqu’à Longwy, et ramenaient des prisonniers ou interceptaient des convois ennemis. Pendant trois mois, cette guerre de reconnaissances et d’escarmouches se continua avec succès. Ni la reddition de Metz, ni la prise de Thionville, ni même celle de Montmédy, ne ralentirent l’ardeur belli-