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militaire à l’ex-préfecture de police, » le « général » Duval : le « délégué civil, » Raoul Rigault, s’y oppose. — « Bonjean ne sortira, s’écrie-t-il, que lorsque Blanqui nous aura été rendu, et il viendra ici même, à mon bureau, me demander sa grâce! » M. Bonjean ne fit pas entendre une plainte. Peu de jours avant sa mort, répondant à un jeune ami qui lui reprochait son imprudence, il expliquait les nobles motifs auxquels il avait obéi, et il ajoutait que, si c’était à recommencer, malgré la cruelle expérience qu’il avait faite, sa conduite serait la même.

Les fonctionnaires dont les emplois étaient étrangers à la politique ou à l’administration proprement dite avaient reçu pour instruction de continuer à les remplir tant que des actes contraires à leurs devoirs ne leur seraient pas imposés. C’était une situation pleine de périls, dont toutes les exigences ont été acceptées sans murmures et observées sans défaillance. Elle pouvait obliger à des actes de résistance légale qui pour la commune étaient des crimes. Ceux qui ne recevaient pas d’ordres des délégués ou des agens de la commune étaient compromis par le seul fait des relations qu’ils étaient obligés d’entretenir avec leurs chefs réfugiés à Versailles. La bureaucratie n’abdique jamais ses droits. Des circulaires étaient envoyées, des rapports officiels ou confidentiels demandés comme par le passé, sans souci du décret sur les otages, qui menaçait de mort « toute personne prévenue de complicité avec le gouvernement de Versailles. » Un tel chef d’accusation était le prétexte le plus ordinaire des emprisonnemens : les fonctionnaires fidèles enfermés dans Paris n’ont jamais cherché à en décliner les périls.

Ce sont surtout les fonctions intellectuelles, si l’on peut ainsi parler, l’enseignement public, les services scientifiques, la conservation des bibliothèques et des musées, qui ont continué à être remplies par leurs titulaires légitimes. L’intelligence était la moindre préoccupation des hommes de la commune, bien qu’ils eussent un « délégué à l’instruction publique. » Leur sollicitude n’était excitée que par l’enseignement primaire. Ils voulaient en faire je ne sais quel « enseignement intégral ; » mais au fond ils n’y apportaient que la passion irréligieuse. Ils respectèrent les instituteurs laïques, ils expulsèrent les congréganistes. Dans une note de leur Journal officiel qui n’a pas été une de leurs moindres infamies, ils accusaient de désertion les frères de la doctrine chrétienne et les sœurs, et se justifiaient ainsi de les avoir remplacés. C’était ajouter la calomnie à la violence. Les instituteurs et les institutrices congréganistes n’ont quitté leur poste qu’à la suite d’une expulsion brutale, le plus souvent accompagnée de pillage, et plus d’une fois suivie d’arrestations. L’enseignement secondaire est resté à l’abri d’actes directs d’ingérence; ses membres ont pu continuer leurs fonctions