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sans recevoir d’autres ordres que ceux de leurs chefs légitimes. Ils ne les ont pas toutefois continuées sans danger. Les plus jeunes professeurs étaient atteints par la loi des réfractaires; tous étaient menacés par la fureur des derniers jours. Les lycées n’ont pas d’ailleurs évité l’invasion, s’ils ont échappé à une immixtion directe. Quelques-uns ont eu à subir le hideux drapeau rouge, qu’ils ont dû supporter, non-seulement par prudence, dans l’intérêt de leurs élèves, mais en vertu d’un ordre venu de Versailles. Cette concession elle-même a failli être un nouveau péril : la première fois qu’ils ont vu cet emblème de la démagogie, les élèves du lycée Charlemagne ont tenté de l’arracher, et ce n’est pas sans peine qu’on a contenu leur généreuse indignation. Plusieurs lycées ont été occupés, soit partiellement, soit en totalité. La situation a été particulièrement terrible pour le lycée de Vanves, placé pendant deux mois au centre des combats les plus acharnés. Le courageux proviseur, M. Clevriaux, n’a pas voulu l’abandonner. Laissé sans instructions, il n’a pris sous sa responsabilité que de pourvoir au salut de ses élèves et des fonctionnaires sous ses ordres. Il n’a pas tardé à être arrêté comme coupable d’entretenir des relations avec Versailles. À ce crime se joignait pour lui celui d’avoir fait son devoir dans les journées de juin 1848 comme chef de bataillon de la garde mobile, et de s’être trouvé une seconde fois en face de l’émeute, le 31 octobre 1870, comme chargé au même titre du commandement de l’Hôtel de Ville. Enfermé à Mazas, il était un des otages le plus naturellement désignés à la vengeance des assassins. Le dévoûment d’un gardien le sauva la veille de la reprise de la prison par les troupes.

De même que l’enseignement secondaire, l’enseignement supérieur et les établissemens consacrés aux sciences et aux arts avaient été à peu près respectés. Le gouvernement avait cru sage de suspendre les cours publics. Les étudians étaient d’ailleurs presque tous partis pour échapper à l’obligation de la guerre civile sous le drapeau de la commune. Un essai de réorganisation révolutionnaire à l’École de médecine échoua misérablement. La Bibliothèque nationale reçut des mains de la commune un directeur que les conservateurs se résignèrent à reconnaître par un accord qui, sous l’apparence d’un pacte avec l’insurrection, était un acte de courage. La garde de leurs collections passait pour eux avant le scrupule des formes légales. Les musées du Louvre subirent la « fédération des artistes, » à laquelle se soumirent, au nom des mêmes devoirs et avec le même courage, les employés fidèles. Révoqués, ils n’abandonnèrent pas leur dépôt; l’un d’eux, M. Barbet de Jouy, sollicitait et obtenait l’honneur d’y rester attaché comme simple gardien. Si presque tous les établissemens voués aux travaux et aux œuvres de