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l’intelligence ont pu être sauvés, ils le doivent au dévoûment de ces fonctionnaires de tout ordre, qui n’ont voulu fuir ni les périls généraux de Paris, ni les périls particuliers de leur service. Leur présence assidue, le zèle dont ils ne se sont jamais départis, ont détourné ou limité, même dans les derniers jours, les velléités d’envahissement. Ils ont presque partout imposé aux incendiaires, et, quand ils n’ont pu arrêter leur rage, ils en ont atténué les effets. Les Archives, dans un des quartiers les plus exposés, ont été préservées par l’énergique vigilance de leur directeur, M. Alfred Maury, et de ses employés. M. Barbet de Jouy, de conservateur devenu gardien, de concert avec deux autres fonctionnaires qui s’étaient maintenus à leur poste, MM. Héron de Villefosse et Morœnt, a sauvé les collections du Louvre après des prodiges de présence d’esprit et d’audace; mais c’est surtout à l’Observatoire que le dévoûment à la science a pris un caractère dramatique. Il faut lire l’émouvant récit du chef du bureau météorologique, M. Marié-Davy[1] : ces trois jours passés au milieu des fédérés, — leur surprise en voyant que leur présence et leurs formidables mesures de défense n’empêchent pas les travaux (en apparence du moins, ajoute modestement le courageux physicien), — l’espèce de déférence qu’ils en témoignent pour les instrumens et pour les savans, — la sollicitude pleine d’angoisses avec laquelle ceux-ci se multiplient pour veiller au salut de leurs familles, pour protéger les collections et pour ne pas interrompre les observations commencées, — la sécurité relative dont on jouit, malgré une fusillade incessante dont le bruit se rapproche de plus en plus, jusqu’au moment où, dans la nuit du 23 au 24 mai, l’incendie est tout à coup annoncé, — les efforts à peu près heureux pour l’éteindre avec la concours des domestiques et de quelques ouvriers réfractaires de la commune à qui l’Observatoire avait donné asile, — le brusque retour des fédérés, forçant l’entrée de la maison qu’ils viennent de quitter après y avoir mis le feu, et lui demandant un refuge contre les troupes qui les poursuivaient, — leurs injonctions réitérées de faire sortir les femmes et les enfans dont la présence les gêne dans leurs projets de destruction, — les préparatifs accumulés pendant plusieurs heures pour faire sauter tout l’édifice, — la diversion apportée, sous la forme d’un nouveau danger, par l’explosion de la poudrière du Luxembourg, — le salut enfin, au moment le plus critique, par l’irruption soudaine des soldats, — la mort du plus enragé des insurgés et la débandade des autres.

Les grandes institutions qui ne dépendent pas ou qui ne dépen-

  1. Rapport adressé à leurs correspondans par les directeurs du bulletin international de l’observatoire de Paris.