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courans et des actions de toute sorte qui y entraînent les détritus arrachés au sol terrestre. Les argiles d’une part, les sables de l’autre., sont les plus abondantes de ces matières; les hauts-fonds, les bassins circonscrits, les golfes et les plages sont les parties les plus sujettes à les retenir et à s’encombrer. Peu à peu, à mesure que l’on gagne la baute mer, on ne rencontre plus qu’une vase fine provenant des particules les plus divisées, tantôt inconsistante, tantôt mêlée de résidus organiques, tantôt consolidée par un ciment calcaire dont le temps accroît la ténacité; mais, en même temps que la profondeur augmente, les notions deviennent moins précises, les tentatives d’exploration plus difficiles, les études plus rares, et nous touchons par cela même au vif de la question que nous voulons traiter. Avant de l’aborder directement, il faut dire quelques mots sur le rôle géologique attribué aux mers; on saisira mieux l’importance des découvertes que l’on espère réaliser.

Les dépôts si variés dont nous venons de parler doivent nécessairement constituer à la longue une succession de lits accumulés, et cette superposition ne cessera de se produire tant que les couches ainsi formées n’auront pas été mises à sec, c’est-à-dire reportées à un niveau supérieur à celui des eaux de l’océan par un effet des mouvemens lents ou brusques de l’écorce du globe.. Ainsi exondés, les dépôts prennent le nom de terrains ; ils renferment naturellement les dépouilles des êtres contemporains, et ce sont eux qui fournissent aux géologues la plupart des documens sur lesquels ils s’appuient pour reconstituer le passé. Les différences si grandes que l’on observe maintenant entre les dépôts côtiers et ceux des parties profondes se retrouvent lorsque l’on examine les formations dues aux anciens bassins maritimes. C’est ainsi que de grands amas sableux et calcaréo-marneux, mêlés de coquilles brisées par la lame et connus sous le nom de molasse, ont jadis encombré un étroit chenal de l’océan miocène qui suivait la vallée du Rhône, puis celle de l’Isère, et traversait la grande plaine suisse pour aller rejoindre la vallée actuelle du Danube. Ce canal tertiaire représentait une sorte d’Adriatique, plus longue et plus sinueuse que celle qui baigne Venise, et partageait obliquement l’Europe de l’embouchure du Rhône à celle du Danube. C’était là une mer peu profonde, et le sable s’y déposait avec abondance, comme fait maintenant l’argile dans l’Adriatique. Au contraire, nous verrons se confirmer plus loin l’idée, souvent exprimée par les géologues, que la craie, cette vase uniquement composée des dépouilles calcaires d’animaux marins, a dû se former dans un bassin maritime calme et profond, protégé contre tout apport de matière détritique entraînée du rivage.

Les mers, pas plus que les surfaces continentales, ne sont à l’abri