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cifique, par gagner le fond et s’y accumuler, tandis que, par une marche opposée, les eaux tièdes, plus légères, occuperont naturellement la surface; cette disposition relative est forcée. Le second fait n’est pas moins explicite : la disposition géographique des continens et des îles exercera sur le phénomène une influence directe, tantôt en opposant une barrière au double courant, tantôt en lui livrant un libre cours. Les deux hémisphères présentent sous ce rapport de prodigieuses différences : l’Océan-Antarctique s’étend partout sans obstacle ; il envoie ses eaux et ses glaces vers le tropique du Capricorne sans que rien entrave ce mouvement. L’extrémité méridionale, amincie en pointe, de l’Amérique et de l’Afrique, l’Asie, située presque entièrement en-deçà de la ligne par rapport à nous, bornent seules cette action, à laquelle la mer des Indes, l’Atlantique et le Pacifique ouvrent leur large sein. Nul courant limité et rapide ne pourrait se former dans de pareilles conditions; le gulf-stream ne marche et ne se maintient que par suite des barrières continentales qu’il rencontre, il obéit ainsi à la fois à l’impulsion générale, qui le pousse vers le nord, et à la direction particulière qui lui est imprimée par l’orographie des côtes. Si le gulf-stream, après son entrée dans le golfe du Mexique, y rencontrait une mer ouverte au lieu d’une ligne de côtes fermées de toutes parts, s’il n’était pas pressé au nord-ouest par le courant du Mississipi à son embouchure, au sud par les grandes Antilles, qui l’obligent de se détourner et d’aboutir au détroit de la Floride, si l’on faisait disparaître tous ces obstacles qui le maintiennent dans une direction déterminée, il s’épancherait au sein de la masse océanique; mais, tout en s’effaçant comme courant particulier, les effets auxquels il donne lieu, et qui dépendent d’une cause générale, n’en subsisteraient pas moins, bien qu’il fût peut-être plus difficile d’en apprécier l’intensité.

Les eaux arctiques ne peuvent s’écouler librement vers le sud, comme celles de l’autre pôle. L’océan glacial du nord constitue un bassin intérieur presque entièrement fermé, sauf par le détroit de Behring, par les passes qui mènent dans la baie de Baffin et par la large ouverture qui sépare le Groenland de la Scandinavie, et dont le Spitzberg occupe la partie nord, tandis que l’Islande et les Féroe en occupent l’entrée méridionale. Or, cette ouverture étant de beaucoup la plus large et la plus profonde, on conçoit que presque toute la masse des eaux arctiques suive ce chemin pour pénétrer dans l’Atlantique et se diriger de là vers le sud. En réalité, le détroit de Behring est presque fermé. La baie de Baffin donne lieu au courant particulier dont nous avons parlé, la plus grande partie des eaux froides n’éprouve aucun obstacle dans sa marche entre le Groenland et l’Islande; mais entre l’Islande et les Féroe les hauts--