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fonds s’élèvent presque partout, et forment une terrasse sous-marine de l’Ecosse aux Shetland et des Shetland en Scandinavie. La profondeur sur ces points ne dépasse nulle part 300 brasses. Or, comme les eaux tièdes occupent nécessairement la surface, il ne reste aux eaux froides qu’un étroit conduit, situé au sud-est de l’Islande, qui soit assez profond pour leur livrer passage. Ainsi la mer d’Ecosse, où le Lightning et le Porcupine ont successivement relevé la température à divers niveaux, constitue un champ d’exploration des mieux choisis. Située aux abords immédiats de la mer polaire, elle n’en reçoit pourtant les eaux que dans une proportion limitée et dans des conditions d’orographie sous-marine qui permettent de déterminer parfaitement la marche, le mode d’action de ces eaux et leur situation vis-à-vis de celles qui viennent du sud.

Ces eaux, si distinctes par le milieu qu’elles constituent et les animaux qu’elles renferment, se rencontrent au sein de la mer d’Ecosse, comme dans une zone frontière, au moment où, sorties également de leur domaine respectif, elles s’engagent dans des régions entièrement séparées de celles dont elles sont originaires. Mises en contact, elles coulent sans se mêler que très imparfaitement; le rôle en diffère autant que la destinée. A la surface et plus encore un peu au-dessous, jusqu’à 70 ou 80 brasses, l’influence des eaux méridionales est évidente : la température se maintient à 11° c. (52° F.) presque sans variations, ou du moins les variations sont faibles, inconstantes, explicables soit par les vents, soit par l’influence des rayons solaires. Le degré de température de cette couche superficielle est bien supérieur à celui de l’isotherme de la latitude où on l’observe. Vers le 59e degré latitude, l’eau à 400 brasses de profondeur s’est montrée plus froide de 1°,3 c. seulement que dans la partie septentrionale du golfe de Biscaye, sous une latitude plus méridionale de 10 degrés et sur un point où la température de la surface marque 18°, 2 c. (62°,7 F.). Il est impossible de ne pas attribuer à l’influence des eaux venues du midi cette surélévation qu’aucune autre cause ne vient expliquer. Le gulf-stream même ne saurait en être à lui seul la raison déterminante; sans doute il ne fait que se combiner avec la masse des eaux amenées du tropique, masse énorme, tiède jusqu’à une profondeur considérable, dont la chaleur se dissipe peu à peu à mesure que sa marche vers le nord entraîne un mélange inévitable avec les eaux polaires. Malgré ce mélange partiel, les deux courans ont été parfaitement observés lors de l’expédition du Porcupine. Les divers sondages ont prouvé qu’il existait dans ces parages deux zones juxtaposées, deux régions sous-marines distinctes, l’une froide, l’autre tiède. Ce qui arrive là ressemble en quelque sorte à ce qui se passe sur la terre lorsque des courans atmosphériques uniformes et constans, les uns chauds, les autres froids, soufflent à travers