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sente les intérêts du département. Ce conseil entend le compte-rendu annuel du préfet, vote les contributions facultatives, statue sur toutes les dépenses qui ne sont pas obligatoires, donne son avis toutes les fois qu’il lui est demandé, et peut même énoncer des opinions et des vœux. En France, la règle est que le département soit administré par un homme nécessairement étranger au département, et qui ne représente que le pouvoir central. Le conseil électif a le contrôle; il n’a dans aucune mesure l’administration. La commune, à l’image du département, est administrée par le maire sous le contrôle d’un conseil électif. Il est vrai que le maire, à l’opposé du préfet, est nécessairement un homme de la commune, qu’il lui appartient, qu’il en représente les intérêts; d’ailleurs la première condition pour être maire est d’avoir obtenu les suffrages de la population. Vous croiriez d’après cela que la commune s’administre elle-même par l’organe de son maire; il n’en est pas ainsi, car le maire est subordonné au préfet : ses actes ne sont valables que s’ils sont revêtus de l’autorisation préfectorale. Toutes les délibérations du conseil municipal sont soumises au préfet, et ne valent que par son approbation. Ainsi le représentant du pouvoir central administre indirectement chaque commune. Il n’est pas d’affaires d’intérêt local où il ne mette la main. Ce qui n’est pas fait par lui a du moins besoin d’être autorisé par lui. Tel est le système de nos institutions administratives.

Sortons de France et parcourons l’Europe, c’est tout autre chose. On ne peut manquer d’être frappé du peu de soin que les autres peuples mettent à nous ressembler. Nous croyons volontiers qu’ils ont les yeux sur nous, et qu’ils nous portent envie. Nous pensons de très bonne foi que nous avons initié le monde à la liberté, que tout ce qu’on en rencontre dans l’Europe date de 1789, et a été semé par la France; c’est là une opinion dont nous ferons sagement de nous défaire. En matière de liberté, les autres peuples ne nous empruntent rien, et cela pourrait bien tenir à ce qu’ils en possèdent plus que nous. M. Hesse nous fait passer en revue toutes leurs institutions politiques ou administratives, et il nous fait voir dans quelle mesure chacun d’eux se gouverne lui-même et fait lui-même ses affaires.

En Angleterre, la forme est la monarchie, le fond est la liberté. Ne regardez que les apparences : vous trouvez dans chaque comté un shérif qui est nommé par la reine, et vous remarquez que la police, la perception des impôts, le soin des routes, même les élections des députés, sont dans les mains de ce représentant du pouvoir central. Vous ne voyez d’ailleurs rien qui ressemble à nos conseils-généraux; le comté n’a aucune assemblée élective. Vous trouvez bien au-dessous ou à côté du shérif des juges de paix qui sont à la fois des juges et des administrateurs, et qui, réunis en sessions trimestrielles, votent les taxes, nom-