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men, j’emmène maître et écoliers à la recherche des inscriptions. Il y avait évidemment, au temps romain, sur l’emplacement qu’occupe Panidon, une ville importante qui a laissé de nombreuses ruines, mais dont le nom est encore inconnu. C’est au tour du maître d’école de s’instruire ; il veut porter dans sa classe chaque objet que j’étudie. Nous inaugurons un musée ; le didaskal se complaît à faire un long discours où Xénophon et les dix mille, qui sont venus par là autrefois, les Grecs d’Athènes, qui y viendront un jour, ont leur place. J’ai le plaisir d’examiner en détail une hypogée très intéressante, un tombeau souterrain où la niche principale est ornée d’une architrave gréco-thrace. Nous n’avions aucun monument de la sculpture propre aux Thraces. Ce sont les motifs du style grec, mais ornés de bucranes et surchargés de torsades d’un goût barbare. Pour comble de bonheur, Panidon possède cinq mesures de capacité de la belle époque grecque, des étalons officiels, objets presque introuvables dans les plus riches collections de l’Europe, où on n’a pu en jauger jusqu’ici que trois seulement. Il faut être archéologue pour comprendre la joie infinie que donnent de pareilles trouvailles. Voilà une ville que l’histoire ne nomme pas, et dont la science retrouve aujourd’hui la topographie, le culte, les arts, la constitution.


Chora, 21 septembre.

Pour suivre la mer au sud de Rodosto, il n’y a pas de route ; je suis allé à cheval à Koumbaou, joli petit village sur la côte, ensuite à Awdin, qui est perdu au fond d’une grande vallée, puis à Ganos, enfin à Chora. Le loueur de chevaux était un guide excellent. À Awdin, village de 150 feux, on ne voit pas moins de trente-huit églises. Ce nombre n’a rien d’étonnant en pays grec. La petite ville d’Ios par exemple, dans l’île de ce nom, au nord de Santorin, compte autant de sanctuaires que de maisons, et, ce qui est assez curieux, ils tiennent presque tous à des habitations dont ils dépendent. Aucun peuple n’élève plus facilement des chapelles ; pour un vœu, pour un succès, on veut être agréable à la Panagia ou aux saints. Dans certaines parties de la Grèce, il est très peu de familles, pour peu qu’elles soient seulement dans l’aisance, qui n’aient bâti leur église. Il en était de même avant le christianisme. De là cette foule d’édifices en l’honneur des héros ou des dieux. Pausanias, dans sa description de la Grèce propre, en cite à chaque pas, et encore a-t-il dû en oublier beaucoup ; le goût pour les nombreuses chapelles a été dès l’origine et reste un trait du caractère national chez les Hellènes. Toute la côte, depuis Constantinople jusqu’à Gallipoli, est occupée presque exclusivement par des Grecs. Chaque village s’administre comme la communauté orthodoxe de Rodosto. Les Turcs y viennent une fois par an pour l’impôt ; on