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municipale anglaise, qui interdit certains actes définis et nettement précisés, le gouvernement américain maintenait que les obligations de l’Angleterre, en tant que neutre, vis-à-vis d’une puissance belligérante étaient complètement indépendantes des lois mêmes de la Grande-Bretagne, que, si ces lois étaient insuffisantes, elle devait les modifier. Il est bien certain qu’il n’appartient à aucune nation en particulier de définir à son gré dans ses codes les devoirs de la neutralité : les rapports de nation à nation sont fondés sur un droit qui s’impose aux gouvernemens les plus absolus comme aux gouvernemens parlementaires. C’était le rôle des juges anglais d’interpréter le foreign enlistment act comme toute autre loi ; le rôle des ministres était différent : chargés de veiller à la sécurité, à l’honneur, aux intérêts généraux de l’Angleterre, ils devaient chercher et trouver les moyens de faire respecter les règles du droit des gens.

Ce droit n’était pas un vain mot : l’Angleterre avait elle-même, plus qu’aucune autre puissance, contribué à le créer. Quelques-uns des principes qu’elle avait posés au temps où elle était elle-même belligérante avaient été contestés par d’autres nations, et elle avait elle-même paru y renoncer en signant la fameuse déclaration de Paris à la suite de la guerre de Crimée en 1856; mais elle considérait toujours, avec les États-Unis, la collection des arrêts des cours des prises comme la base d’une sorte de droit international. Ce droit changeant, pour ainsi dire organique, accru par le temps et les précédens, d’accord en ses traits principaux avec certains ouvrages français, américains, anglais, consacrés par le respect de toutes les nations, n’était point un code véritable; mais il était toujours possible de le rectifier, de le compléter, en l’appuyant sur quelques principes généraux qui intéressent également tous les pays.

Les négociateurs américains tenaient essentiellement à la reconnaissance de ces principes. Un mois presque entier fut consacré à en discuter la formule. Le 5 avril, les envoyés anglais firent la déclaration suivante : leur gouvernement ne pouvait reconnaître que les règles internationales proposées par les Américains eussent force de loi au moment où avaient pris naissance les difficultés relatives à l’Alabama ; il consentait cependant à permettre aux arbitres de les prendre pour règles, comme si elles avaient déjà été en vigueur et reconnues pendant les années précédentes. L’Angleterre cédait ainsi sur les deux points principaux; elle exprimait un regret, elle reconnaissait, indirectement il est vrai, qu’elle ne trouvait plus bonne en 1871 l’interprétation qu’elle donnait au droit des gens en 1861.

Le regret se traduisit ainsi dans l’article 1er du traité : « attendu