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pris par une expérience récente et prolongée ce qu’est cette dictature. Le souverain élu par le vote populaire concentre en lui les pouvoirs de la nation entière, en sorte qu’il peut agir au nom de cette délégation contre toute fraction opposante, quelque nombreuse qu’elle soit. Ce que le pouvoir général de la loi est dans une république, le pouvoir du souverain l’est dans cette forme de monarchie, mais avec plus de force encore. Cette dictature est nécessairement démocratique, même avec excès, car, le souverain pouvant peser également sur tous, cette pression générale a pour conséquence une égalité presque absolue, et comme il est toujours forcé de se souvenir qu’il est la créature du plus grand nombre, il se trouve par nécessité encore plus que par politique le protecteur des petits. Eh bien! cette seconde manière d’entendre la démocratie, nous en sortons à peine, et nous n’avons qu’a consulter nos souvenirs pour dire si elle a mieux réussi que la première.

Ainsi voilà maintenant quatre-vingts ans que dure la révolution française, et nous savons moins qu’au premier jour où il faut placer la démocratie et quelle forme politique lui convient naturellement. Les deux grandes manières de l’entendre et de la pratiquer tour à tour essayées n’ont pas mieux réussi l’une que l’autre à fixer un mouvement qui paraît être indisciplinable. On s’est efforcé de faire vivre la révolution française en bonne intelligence avec les parties de la société qui se réclamaient d’une autre origine qu’elle; ce fut l’entreprise de la restauration : on sait combien elle fut laborieuse et comment elle échoua. En juillet 1830, la révolution prit le parti de vivre sans compromis et sans alliance embarrassante, elle s’interdit de chercher désormais appui ailleurs qu’en elle-même, et cette hardiesse n’a pas eu un meilleur sort que la prudente entreprise qui l’avait précédée. La république fut proclamée, mais la république, qui n’était autre chose qu’une dangereuse extension du gouvernement qu’elle venait de renverser, succomba bien vite à son tour, en partie sous l’effroi que son nom a toujours inspiré en France, en partie sous l’action de la même antipathie mal raisonnée qui avait armé le peuple contre la monarchie de juillet. Le gouvernement mixte de la restauration ayant sombré, la démocratie par les classes moyennes ayant échoué sous ses deux formes, le gouvernement constitutionnel et la république, restait la démocratie par la dictature monarchique. Nous l’avons vue s’effondrer à son tour en ne nous laissant que des ruines. Ainsi, de quelque côté que nous nous tournions, nous n’apercevons que des mécomptes : aussi hésitons-nous à espérer pour l’avenir dans les moyens de salut qui nous ont si mal réussi dans le passé. Voici donc