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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août 1871.


Non certes, nous le savions bien depuis longtemps, les gouvernemens libres ne sont pas une tente dressée pour le sommeil. Le repos absolu n’est fait ni pour les monarchies constitutionnelles, ni pour les républiques. Qu’est-ce donc lorsqu’il s’agit d’un état qui n’est ni la république définitive ni la monarchie, et dont on pourrait dire, comme Frédéric II disait de la Prusse, qu’il y aurait à « décider cet être ? » Pour tous les régimes, et plus encore assurément pour celui dont « l’être » n’est pas « décidé, » la vie de tous les jours a des conditions laborieuses. Les passions commencent par se heurter avant d’en venir à se réconcilier, si elles se réconcilient jamais. Tous les intérêts s’agitent et tourbillonnent avant d’être ramenés par la force des choses à la mesure d’un intérêt public supérieur. Les pouvoirs eux-mêmes portent leurs différends devant l’opinion. La paix, la sécurité qu’on poursuit sont le prix d’un effort permanent et de transactions incessantes, quelquefois péniblement préparés. Il faut en prendre son parti, c’est la condition inévitable ; on n’a pas le temps de dormir et de se livrer à de longs rêves de quiétude, quand on vit avec la liberté, la souveraineté nationale et le suffrage universel, lorsqu’on est au lendemain des plus formidables crises nationales, en face des problèmes qui naissent de cet ébranlement qui passionnent et divisent nécessairement tous les esprits. La politique est toujours un combat, elle l’est plus que jamais aujourd’hui, à cette heure étrange et indécise où rien n’est défini, où tout est en question, où les impatiences, les impétuosités particulières, les mouvemens irréfléchis n’ont d’autre correctif et d’autre frein que le sentiment de la nécessité des choses. Notre vie actuelle est ainsi faite, et il ne faut ni s’en étonner ni s’en alarmer, à la condition pourtant qu’on ne se livre pas avec trop de complaisance à l’imprévu et à l’inconnu pourvu qu’on veuille garder jusqu’au bout, avec quelque sang-froid, un peu de