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Drouart, le parfumeur La Bruyère, dont le fils avait acheté une charge de conseiller au Châtelet ; quelques personnages même assez haut placés, le président Lemaistre notamment, s’affilièrent à eux. C’était là une véritable société secrète. Ce noyau une fois constitué, on s’efforça de recruter le plus d’adhérens qu’on put. Aux uns, on faisait luire l’espoir d’arriver à quelque emploi ; aux autres, on promettait de l’argent ; à tous, on annonçait qu’on travaillait à défendre les catholiques menacés par les huguenots, qu’on représentait comme étant au nombre de plus de dix mille dans le faubourg Saint-Germain et méditant les plus sanguinaires projets. Les affiliés devaient se tenir prêts à prendre les armes. On les assurait du concours des ducs de Guise, de Mayenne, d’Aumale, et de tous les autres princes de la maison de Lorraine ; on leur faisait entrevoir l’appui du pape, du roi d’Espagne, du prince de Parme et du duc de Savoie. La prise d’armes devait avoir pour premier objet de rompre et ruiner les forces que le roi réunissait autour de Paris en vue de soutenir Henri de Navarre. Afin de rendre la propagande plus active, chacun des membres de cette association, qui prenait le nom de conseil de l’union, se chargea de pratiquer les gens de la compagnie ou de la corporation à laquelle il appartenait. Ainsi La Chapelle-Marteau travailla la chambre des comptes, le président Lemaistre le parlement, le président de Neuilly la cour des aides, La Bruyère fils le Châtelet, Senault, beau-frère du procureur Michel, les clercs du greffe du parlement. On avait gagné plusieurs commissaires de police ; c’étaient là des auxiliaires précieux, car leurs fonctions les mettaient en rapport avec tous les gens de leur quartier. Pour attirer le menu peuple, on se servait d’agens d’une condition inférieure, qui répandaient sur le roi les plus impudens mensonges. On comptait beaucoup sur les mariniers et garçons de rivière, qui n’étaient pas au nombre de moins de cinq cents, et qui passaient pour d’assez mauvais garnemens. Plusieurs parlaient aussi d’embaucher les gens sans aveu ou exerçant les professions les plus viles, et dont on estimait alors le chiffre à six ou sept mille ; mais les prudens du conseil de l’union trouvaient dangereux de pareils auxiliaires. La distribution des artisans par corporations facilitait singulièrement l’affiliation et permettait aux menées d’échapper plus aisément à l’attention des officiers du roi. En entrant dans l’association, le nouveau membre devait jurer de prêter son concours par tous les moyens à ceux de ses frères qui viendraient à être arrêtés.

Un des premiers soins de la société fut de se procurer secrètement des armes. C’était là la chose difficile, car par mesure de sûreté le roi avait exigé que les quincailliers et armuriers qui faisaient ce commerce communiquassent à la police le nom de ceux qui