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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/833

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III

Tout a changé ; des connaissances sans nombre ont été acquises, des progrès ont été effectués à l’infini, des idées nouvelles ont été propagées, et l’enseignement qu’on donne à la jeunesse n’en a tiré presque aucun profit, — l’Université a gardé pieusement les traditions du moyen âge. C’est fort inutilement que depuis 1802 le programme des études scolaires a subi de fréquentes variations ; le même esprit a toujours régné. Quand le sort de l’instruction publique a été confié à des hommes d’un talent éprouvé, l’enseignement des collèges a paru entrer dans une meilleure voie, des matières dont la connaissance était jugée indispensable dans une bonne éducation ont été inscrites sur le programme des études ; mais, quand l’autorité, dont l’exercice ne semble compatible qu’avec un vaste savoir et une haute raison, est tombée entre les mains d’hommes élevés soit par la politique, soit par le goût personnel du chef de l’état, un retour en arrière en a été la conséquence. Des influences pernicieuses pouvant agir, on supprimait dans l’enseignement ce qui avait été introduit peu d’années auparavant. C’est alors que plus d’une fois on a vu se manifester des antipathies pour certains ordres de connaissances de la part de personnages qui se vengeaient de leur ignorance en empêchant la jeunesse de s’instruire des vérités les plus utiles. Après avoir considéré tous les changemens opérés dans les programmes universitaires, après avoir constaté tantôt une idée heureuse et une bonne intention, tantôt des vues déplorables et un mauvais esprit, il reste évident que jamais on n’a pris pour guide un principe déterminé. On n’a témoigné aucun souci des facultés, des aptitudes, des goûts de l’enfance et de l’adolescence, et l’on s’est presque toujours affranchi de la préoccupation de donner une instruction dont chacun trouverait l’emploi dans sa carrière. Si l’on s’en rapportait aux partisans du système d’instruction qui pèse sur la jeunesse française, on devrait croire que dans les maisons d’éducation l’esprit reçoit la meilleure culture possible. Le résultat atteste l’inexactitude de cette appréciation, et de justes reproches adressés à l’Université se sont produits sous toutes les formes et à toutes les époques. Si le vieux Montaigne vivait encore, il écrirait aujourd’hui avec la même vérité qu’autrefois : « Nous voyons qu’il n’est rien de si gentil que les petits, enfans en France ; mais ordinairement ils trompent l’espérance qu’on en a conçue, et, hommes faicts, on n’y veoid aucune excellence ; j’ay ouy tenir à gents d’entendement que ces collèges où on les envoyé, de quoy ils ont foison, les abrutissent ainsi. » La plupart des enfans aiment à voir, à connaître, à porter